« Ambiances en partage » : une telle expression recouvre au moins deux acceptions. D'une part, on peut questionner la possibilité du partage des ambiances, se demander par exemple si une ambiance est toujours de l'ordre du partage, si certaines conditions doivent être remplies pour qu'une ambiance soit partagée, si le domaine du partageable prend une coloration particulière quand on le jauge à l'aune des ambiances… On est ici dans « l'ambiance ressentie », l'ambiance en tant que qu'éprouvée par les sens. D'autre part, on peut mettre l'idée d'ambiance en partage, tester dans quelle mesure il est possible de s'accorder sur la notion d'ambiance, ouvrir le débat sur l'acception et l'apport d'une telle notion, expérimenter des formes de dialogue entre divers champs disciplinaires… On est là dans « l'ambiance réfléchie », l'ambiance en tant que soumise à l'examen de pensée. Questionner l'expérience commune d'une ambiance (ambiance ressentie) et mettre la notion d'ambiance en débat (ambiance réfléchie) ne constitue en fait que les deux faces d'une même médaille, les deux versants des ambiances en partage. Il en va ici des possibilités de passage entre le champ de l'expérience sensible et celui de la pensée réflexive, de l'articulation entre le domaine de l'empirie et celui de la théorie. Et déjà nous sommes plongés au centre même de l'énigme, tant l'ambiance met en tension le sentir et le connaître, procède d'un je-ne-sais-quoi qui ne saurait trouver de résolution définitive. Comme pour Saint-Augustin avec le temps, nous avons tous l'expérience des ambiances dans la vie de tous les jours et pourtant nous avons bien du mal à dire précisément de quoi il s'agit. Le propos développé dans ce recueil ne consiste pas à tenter de percer une telle énigme mais plus modestement à tirer profit des paradoxes sensibles qu'elle pose et des mystères concrets qu'elle recèle. C'est que l'énigme des ambiances en partage prend de multiples visages et conduit à de nombreux questionnements relatifs aux cultures, aux langages et aux corps urbains. Aussi, plutôt que de tenir un propos par trop général, il paraît préférable de mettre cette énigme en variation, décliner, préciser, spécifier autant que possible la diversité des pistes qu'elle ouvre. Nécessité donc d'incarner le propos, de s'appuyer sur des expériences vécues, des cas concrets et des travaux empiriques pour savoir de quoi il en retourne. Si une énigme consiste à « associer des choses impossibles en parlant de choses réelles » (Aristote), c'est en restant au plus près du terrain que nous aurons des chances de déployer au mieux la puissance heuristique des ambiances en partage. Les articles qui composent ce recueil font état de diverses enquêtes de terrain et investigations urbaines qui participent toutes de cette tentative de clarification des ambiances en partage. Les textes présentés ici résultent d'une collaboration franco-brésilienne développée depuis plusieurs années dans le cadre du Réseau International Ambiances

chercheurs : THIBAUD Jean-Paul

Recherche : Ministère Culture/DAPA Programme 224