Initié par une dynamique pluridisciplinaire (rassemblant géographe, sociologues, historiennes de l'art et de l'architecture, artiste), le projet de recherche « Penser depuis la frontière » s'est constitué par la création d’un espace de travail associant des enseignants chercheurs AAU-CRENAU de l’École nationale d'architecture de Nantes et de l’École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole.

Son titre, emprunté au philosophe Sandro Mezzadra[1], souligne notre position commune : comment travailler depuis la frontière ? Une question complexe induite par les importantes transformations contemporaines du monde. La frontière a donc d'abord été appréhendée comme enjeu de méthode, une occasion d’investir et d’engager une dynamique collective à même de produire des enquêtes, des écrits, des œuvres, relevant de thématiques de recherche variées.

À partir de ces projets de recherche imaginés et travaillés individuellement, il nous a été possible de nourrir des questions communes, tant sur les processus paradoxaux de la mondialisation que sur les mutations des outils théoriques et de la situation du chercheur. Ont été abordés notamment les effets transnationaux, les circulations et les migrations des idées, des références et des corps, la contemporanéité de plusieurs mondes, la co-présence temporelle de différentes épistémologies ou encore les processus d'invention de l'Autre. Chacune de ces réflexions sur les mutations liées à la mondialisation s’ancrant dans les débats épistémologiques contemporains : d'où parlons-nous ? Quelle est notre situation par rapport à nos champs d'étude ? Quelles redéfinitions de nos approches et de nos outils théoriques opérons-nous ? Quels dialogues entretenons-nous avec les outils des intellectuels des Suds ? La frontière envisagée finalement comme sujet et méthode est le cadre épistémique interdisciplinaire qui permet d'analyser certaines pratiques et enjeux de méthodes, ainsi que de remanier paradigmes et concepts.

La question de la frontière (interculturelle) avait déjà été travaillée notamment à travers sa manifestation au sein des espaces urbains et publics à Nantes (étude sur l’Islam à Nantes et sur le Mémorial de l’Abolition de l'esclavage). L’école des Beaux-Arts avait, quant à elle, initié un certain nombre de projets (résidences d’artistes, projets de recherche) s’inscrivant dans les problématiques art et mondialisation.

Ce programme collectif de recherche poursuit donc et amplifie des intérêts communs, pour des zones de travail en expérimentation qui brouillent les frontières disciplinaires, pour des croisements entre arts et sciences humaines, surtout que méthodologies des sciences humaines et pratiques artistiques s’entremêlent de fait de plus en plus. Durant trois ans, le travail engagé au sein de Penser depuis la frontière a été accompagné par deux séminaires : En 2014, avec les conférences de Valérie Gelezeau, géographe, Augustin Gimmel, artiste, Anne-Laure Amilhat Szary, géographe, Françoise Vergès, politologue, le peuple qui manque, théoriciens et curateurs. En 2015, Questions historiographiques avec les conférences de Philippe Artières, historien, Vincent Meessen, artiste, Vanessa Théodoropoulou, historienne de l'art. Ainsi que par un cycle de programmation de films conçu par Véronique Terrier Hermann avec l'association Contrechamp au Cinématographe.

Une publication collective présentera les travaux menés :

En mars 2018, ce travail prendra la forme d'ateliers publics et d’expositions au sein de l’École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole.

[1] Sandro Mezzadra, Brett Neilson, Border as Method, or The Multiplication of Labor, Londres, Durham, Duke University Press, 2013.