présentation des enregistrements

Le sol en tant que support de la vie urbaine est encore peu pensé par la recherche architecturale et urbaine. Dans un monde où la concurrence entre villes se joue entre autres sur la qualité des espaces publics, il est pourtant un élément essentiel des usages pédestres. Le pied le foule, l’œil le fait entrer dans l’horizon perceptif sans qu’on s’y attarde, et sans qu’une recherche approfondie nous en ait montré toutes les dimensions sensibles.

Ces enregistrements sonores accompagnent la thèse :

Le sol urbain : un arrière-plan de l’expérience somatique des ambiances urbaines

Index

01- Effet xylophone – Esplanade de la BNF – 25s

Enregistrement en marchant sur l’esplanade de la Bibliothèque Nationale, constituée de platelage de bois sur une structure métallique, & qui se détache du niveau des rues par un emmarchement.
On identifie clairement les matériaux du sol sous les pas, d’abord du bois, puis du métal, qui vibre au-delà du simple contact pied-sol. Le sol semble répondre au pas en rendant audible et mélodique la cadence de la marche, qui trouve des échos musicaux (effet de xylophone). Hormis les pas cadencés, le paysage urbain sonore est lointain, nous sommes sur un promontoire mettant les sons à distance.

[Effet sonore] résonance

02- Aux marches de la BNF – 26s

Un emmarchement entre l’esplanade de la BNF et le trottoir, côté est.
Le fond sonore continu est très présent et donne une sensation de lointain. Ce bourdon (en grande partie routier) nous plonge dans une impression d’ubiquité (nous ne savons pas d’où proviennent les sons). Au premier plan émergent par moment les sons d’impacts de pas sur un platelage de bois.
Ici le pas est lourd, retenu et en chute. Cette chute révèle un mouvement de descente de quelques marches d’un escalier. Le pas n’est pas très régulier, il semble qu’un effort est perceptible dans le son, un effort pour atteindre la marche suivante. Il est possible de l’escalier soit pris en diagonale par le marcheur, non perpendiculairement à la pente.

[Effet sonore] ubiquité – bourdon

03- Chuintements – 28s

Dans la galerie du Carrousel du Louvres, de grandes dalles de travertin lisse tapissent le sol de l’espace souterrain à haut plafond et de grandes dimensions, aux parois et plafonds minéraux.
Des chuintements aigus se démarquent d’un fond sonore extrêmement réverbérant, avec des éclats de voix proches et plus lointaines. Impression d’être dans une salle de sport avec un frottement aigu de baskets sur un sol lisse. Le son évoque une perte de repères, haut et bas, avant-arrière, les directions se fondent les unes dans les autres.

[Effet sonore] réverbération métabole ubiquité

04- Pas glissés – galerie Vero-Dodat – 09s

Passage couvert (XIXème siècle) entre deux rues. Des boutiques vitrées longent le passage. Le sol est carrelé.
Des émergences de pas glissé réverbéré
Le pas glissé évoque un espace domestique en contradiction avec le fond urbain (trafic…)
Il est seul à émerger du contexte sonore proche.

05- Martèlement de talons – galerie Vero-Dodat – 25s

Passage couvert (XIXème siècle) entre deux rues. Des boutiques vitrées longent le passage. Le sol est carrelé.
Un claquement de talons régulier traverse toute la prise sonore. Il informe sur le déplacement linéaire dans un espace en longueur. Le pas est réverbéré d’un bout à l’autre et laisse deviner une architecture semi-fermée. Le son ricoche sur les matériaux du passage, l’impact des talons (chaussures de femmes) est très percussif et réverbéré.
Léger effet Doppler du passage de la femme en talons, de gauche à droite.

06- Grésillement – Jardin du Palais-royal 26s

Le jardin du Palais-Royal est bordé d’immeubles à colonnade, qui le protègent phoniquement du monde extérieur. Cette partie du Jardin comporte des alignements d’arbres sous lesquels sont placés des bancs, proches de petits carrés enclos.
Le sol est un revêtement stabilisé recouvert de petits gravillons clairs qui font grésiller le pas tout en l’atténuant. Sur un fond sonore très calme avec quelques émergences vocales, une poussette, quelques oiseaux identifient immédiatement un jardin urbain à la belle saison.

07- Sept plocs – esplanade de la défense35s

Une vaste esplanade sur la dalle de La Défense, dans l’après-midi. Les façades des tours et immeubles sont loin (distance entre façades : 130 mètres en largeur). Le sol est revêtu de dalles de béton gravillonnées de grandes dimensions (2,30x1m), posées sur plots (donc amovibles, non fixées).
Le son s’échappe, les voix discrètes vont et viennent dans le champ du micro. Les pas sont inaudibles, seuls les claquements (plocs !) des dalles bancales qui émergent & se réverbèrent rendent les pas manifestes.
A l’arrière-plan un son de soufflerie et le son d’un trafic lointain, à peine perceptible.

08- Montée d’escalier – jetée de la défense43s

Un escalier en colimaçon à paliers relie un niveau bas (le Jardin des Eléments) à la Jetée, sorte de passerelle enjambant une voie routière trés circulante et reliant la dalle de La Défense. L’escalier comme la Jetée est constitué d’une structure métallique et de larges marches de bois exotique plein, cependant l’a structure de l’escalier est moins vibratoire que celle de la Jetée. Sur les bordures de la Jetée, le revêtement de sol est constitué d’un platelage métallique.
Les pas, à la montée, sont insistants, frappés puis légèrement glissés sur un matériau absorbant et tenu (le bois sur une structure métallique sans trop de vibration). En fin d’extrait des sons d’impacts et de vibrations métalliques aigus font penser à l’ouverture d’une grille de portail manipulée, alors qu’ils proviennent de sons d’impacts des pas du preneur de son sur une grille métallique lisse. Des interjections entre jeunes adolescents ponctuent la toute fin de l’extrait.

09- Talons sur platelage – jetée de la défense – 48s

La Jetée est une sorte de ponton arrimé à la dalle de La Défense (derrière l’Arche), qui enjambe une voie routière avant de surplomber le Jardin des Eléments avec ses arbres dont la canopé arrive au niveau du marcheur de la Jetée. Le sol est constitué d’un platelage de bois à joints creux sur une structure métallique.
Les impacts de pas au sol sont amplifiés par le matériau bois. Les talons des passants signent l’extrait sonore malgré la forte présence du fond routier et aérien englobant, et les piaillements d’oiseaux qui le ponctuent. Les quelques piétons traversent un espace-matière sonore massif, ils évoluent entre couches et sous-couches denses.
Les voix ont disparu et l’espace semble faiblement occupé par le public, il reste un lieu de passage même si la résonance du bois « suspendu » tend à rendre manifeste et à amplifier la présence humaine.

10- Valise à roulettes1 – jetée de la défense – 25s

La Jetée est une sorte de ponton arrimé à la dalle de La Défense (derrière l’Arche), qui enjambe une voie routière avant de surplomber le Jardin des Eléments avec ses arbres dont la canopé arrive au niveau du marcheur de la Jetée. Le sol est constitué d’un platelage de bois à joints creux sur une structure métallique.
La scansion frappée du passage d’une valise à roulettes apparaît comme une figure sur un fonds métabolique routier englobant. Le bois reste trés présent sur cet extrait et rend manifeste le roulement, tout simplement par la scansion opérée par la butée des roulettes sur chaque nez de planche.

11- Martèlement multiple – esplanade de la défense40s

Une vaste esplanade sur la dalle de La Défense, les façades des tours et immeubles sont loin (distance entre façades : 130 mètres en largeur). Le sol est revêtu de dalles non flottantes.
Les gens sortent du travail et se dirigent vers les bouches de métro et de RER. Le déplacement est massif (foule éclatée sur l’esplanade).
Réverbération lointaine de l’espace qui paraît vaste (des sons de chantier, d’impacts métalliques, à l’arrière-plan), et réverbération du sol qui fait caisse de résonance au contact des multiples passants en talons ou talonnettes. Crépitement ou émiettement des pas plutôt que cadence.
Les voix se mêlent discrètement à cette très forte avalanche de pas qui semblent non spécifiquement orientés.

12- Valise à roulettes2 – esplanade de la défense – 26s

Une vaste esplanade sur la dalle de La Défense, les façades des tours et immeubles sont loin (distance entre façades : 130 mètres en largeur). Le sol est revêtu de dalles non flottantes.
Une valise à roulettes en début d’extrait est rendue monumentale par les minuscules scansions d’impacts de roulement au sol. Le sol est immédiatement rendu sensible par le son mais nous semble extrêmement rapeux, âpre à l’oreille (un grondement) alors que l’impact des pas est plutôt ressenti comme franc (sans démultiplication) et légèrement plus absorbé.

13- Martèlement 2 – esplanade de la défense – 18s

Une vaste esplanade sur la dalle de La Défense, les façades des tours et immeubles sont loin (distance entre façades : 130 mètres en largeur). Le sol est revêtu de dalles non flottantes.
Ce qui est surprenant ici, c’est le rejet du drône urbain en arrière-plan et le crépitement très soutenu des pas sur le sol. Un mélange de matité et de réverbération.
Quelques vocalités émergent sans qu’on puisse comprendre les paroles.
Un martèlement sur une structure métallique laisse deviner un chantier proche, et donne à entendre en même temps l’amplitude de l’espace et sa grande réverbération.

[Effet sonore] désynchro

14- Fond métabolique – esplanade de la défense – 43s

Dalle de la Défense, en contrebas du parvis de l’Arche. Le preneur de son est sur le côté, proche de la façade des centres commerciaux des Quatre Temps, où il y a un chantier en cours.
La multiplicité des sources sonores font de cet extrait une métabole par excellence. Aucun son ne se dégage vraiment,
Véritable matière sonore faite de plusieurs sons superposés à peu près sur le même plan. Une musique dansante colore tout l’extrait. Des claquements divers (sons de travaux) le ponctuent sur toute la longueur, pas et voix forment un brouhaha continu (talons, cris d’enfants, son de roulement de valise). Un sifflement est réverbéré au loin.
L’auditeur se perd, ne sait pas si c’est un espace extérieur ou intérieur, ou entre les deux. L’espace est a priori protégé de la circulation.

15- Pelouse – parc de la Villette – 37s

« Prairie » du parc de la Villette
Le son des pas, très insistant, interroge fortement sur la nature du sol qui paraît mou, sableux, ou herbeux.
Autour, la vocalité prend le dessus. Des cris d’enfants, de foule, ici les sons s’échappent, se dispersent et pourtant masquent le paysage sonore.

16- Escaliers de la rue de la fontaine du but – Lamark-Caulaincourt – quartier Montmartre – 23s

Série d’escaliers en face de la sortie de métro Lamarck-Caulaincourt, dans un pincement entre deux immeubles. L’univers est entièrement minéral. L’espace est resserré, dans un effet de rétrécissement sonore.
L’extrait se caractérise par une série de claquements de diverses natures : claquement des semelles sur le granit, claquements de portes et portières, le tout en cadence rapide tout au long de l’écoute.
Le milieu semble semi-clos, étroit, les sons produits aux alentours ne sont pas dissipés mais bien contenus.
Des sons urbains assez proches nous indiquent que nous sommes en ville, en bordure de rues en pleine activité : un bus freine, des voitures démarrent, des portières claquent. Une musique s’échappe d’un bar.
Nous avons affaire à une forme de « crépitement », avec un emboîtement des types de pas les uns dans les autres, comme dans un enchaînement en canon. L’escalier impose en quelque sorte une régularité mais provoque aussi une rythmique qui n’est pas la même selon que l’on monte ou que l’on descend. Les paliers permettent un mini-séquençage du pas.
Dans la dernière partie de l’extrait, le rapprochement du pas et l’éloignement des autres sources (passants) le transforme en figure rythmique très régulière qui émerge du fond rejeté en arrière-plan, alors que jusqu’avant les pas se fondaient les uns dans les autres dans un fondu-enchaîné, et participaient au fond de l’ambiance.
Dans ce sens, nous pouvons parler d’une émergence suite à un effet de fondu-enchaîné de pas cadencés.

17- Porche réverbérant – cour carrée du Louvre – 24s

Un porche entre deux espaces minéraux, espace couvert fortement réverbérant, sol avec de larges pavés non équarris.
Des passants traversent le porche entre la place de la Pyramide du Louvre et la Cour carrée du Louvre, dans un sens et dans l’autre. Sons de talons, de voix une toux, un chien…
De petits éclats aigus s’apparentant à des gouttes de pluie, le son étincelle, claque, réverbéré par les parois de pierre et le sol pavé.

Effet d’immersion dans un milieu clos, chaque son est réverbéré plusieurs fois.

Effet d’amplification.

18- Poussette – jardin du luxembourg – 37s

Le Jardin du Luxembourg est bordé par des rues et avenues très fréquentées. A l’endroit de la prise de son (proche du bassin central), le sol est revêtu d’un gravillon grossier sur une couche assez épaisse qui rend la marche malaisée.
Par rapport à l’extrait 6 (Jardin du Palais-Royal), le fond sonore est beaucoup plus envahissant. Une soufflerie continue masque en partie l’environnement sonore lointain.
A cela s’ajoute le ronronnement continu du trafic urbain.
L’extrait est marqué par la vocalité de petits groupes de passants, le grésillement en vague (approche et passe devant le micro et s’éloigne) d’une poussette sur les graviers, les pas absorbés tout en étant révélés par les graviers.
L’impact au sol n’est pas sec, pointu, il se démultiplie dans le temps. Le gravier permet d’entendre les différentes étapes du déroulé du pied au sol contrairement au « bitume » qui condense le pas en un claquement unique et bref (c’est généralement le talon qui provoque cet impact, la poussée sur les sols durs ne s’entend pas). Sur le gravier, la poussée de propulsion du pied s’entend et donne à entendre des corporéités, voire des « corpulences » et des démarches. Comme le résumera une écoutante « le gravier marque une présence ».

[Effet sonore] bourdon en fond de bande sonore

19- Galerie Vivienne, fin de journée – 49s

Passage parisien (XIXème siècle). Le sol est tapissé de carreaux de mosaïques et comporte des creux et des bosses non visibles mais que l’on peut sentir sous le pied. (Commentaire sur place du preneur de son : « On ne le voit pas, mais au pas, on sent des affaissements de la mosaïque, de tout petits affaissements, ça fait des bosses et des creux sous les pieds. »)
Quelques marches au pied desquelles le preneur de son est posté.
Espace intérieur très réverbérant, resserré. Des sons secs aigus et métalliques (un portant métallique à roulettes qui vibre sur la mosaïque), les impacts aigus de vaisselle qui s’entrechoque, la soufflerie d’un aspirateur s’enchaînent, sans une parole qui viendrait colorer ces sons d’activité de présence humaine.
Des « shuffle » donnent une patine particulière aux impacts de pas au sol.