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Notre recherche a pour objectif d’analyser et de comprendre le paradoxe suivant : la forte - ou plutôt intense - présence des jeunes sur la scène publique, notamment politique. Présence, toutefois, étrangement assortie d’un faible engagement de ces mêmes jeunes dans les structures classiques d’engagement politique. Et ce bien que la société tunisienne post-révolutionnaire ait fixé de nombreux défis, dont en premier chef celui du politique et de la manière d'appréhender les aspirations et les revendications des jeunes. Ces derniers ont représenté l’un des principaux acteurs de la révolution, lesquels avaient ouvert la voie à un changement politique et à une reconfiguration de l’espace public tunisien. Paradoxalement, dès la première épreuve de la transition démocratique qu’ont été les élections de 2011, celles-ci furent marquées par l’absence des jeunes qui auraient d’autant plus constitué une importante réserve électorale de partisans de la liberté d’expression.

Or, il s’avère que l’abstentionnisme de ces derniers est loin d’exprimer un manque d’engagement citoyen. Ce parti pris n’est nullement arbitraire ; il est en fait une modalité d’expression politique propre à eux. Il est en quelque sorte une réponse à l’incertitude qui continue à ronger l’existence de ces jeunes et à les plonger dans un état de précarité. Celui-ci n’est pas sans rapport avec un chômage perdurant, faute d’un « nouveau » modèle de développement à même de raviver l’espoir chez eux et de leur permettre de s’intégrer à – et profiter de – l’ère du consumérisme et l’hédonisme propagés par la « culture monde » et les nouvelles technologies de la communication.

Ce faisant, les jeunes s’engagent mais autrement ; ils s’inscrivent dans un nouveau répertoire politique. La reconfiguration de l’espace public tunisien est une manifestation de l’émergence de nouvelles formes d’engagement politique chez les jeunes et les reconstitutions qu'ils opèrent sur leurs rapports au politique. Par cela, nous renvoyons à leurs nouvelles formes d’expression inventées qui véhiculent d'autres valeurs, imprimant ainsi leur action politique par des manières et modalités de faire spécifiques. Ces modalités sont multiples caractérisées par une pluralité de canaux d’expression et de formes d’engagement. Ainsi, l’art de la rue, l’expression corporelle, le mode de vie, etc., illustrent bel et bien que, derrière leur désengagement des circuits politiques traditionnels, se trament et se déploient des modalités et des dispositifs de mobilisation distincts. Modalités d’expression certes encore ambiguës et inachevées, mais innovantes, autonomes, plurielles et hétérogènes, voire surtout non conventionnelles et individuelles.

Mots-clés : Comportement électoral, stratégie identitaire, mouvement social, espace urbain

EN

The present research seeks to analyze and understand the following paradox: the strong – or rather intense – presence of young people in the public scene, especially the political one; a presence, however, that is strangely coupled with a low involvement of these young people in the traditional political structures. This is despite the fact that the post-revolutionary Tunisian society has set many challenges, especially those pertaining to the way of apprehending the aspirations and demands of young people. The latter represented one of the main actors of the revolution, who had paved the way for a political change and a reconfiguration of the Tunisian public space.

Paradoxically, since the first test of the democratic transition, which was none other than the 2011 elections, things were marked by the absence of young people who all the more reason would have constituted an important electoral reservoir of supporters of freedom of expression. However, it turns out that the youth abstention is far from expressing a lack of civic commitment. This bias is by no means arbitrary; it is in fact a mode of political expression peculiar to them. It is in a way a response to the uncertainty that continues to plague the lives of these young people and to maintain them into a precarious state. This is not unrelated to a persistent unemployment, mainly in the absence of a « new » model of development likely to rekindle hope among them and allow them to integrate – and enjoy – the era of consumerism and hedonism propagated by the « world culture » and new communication technologies.

In the meantime, these young people show they are concerned, indeed, but otherwise; they take part of a new political range, rather. The reconfiguration of the Tunisian public space is a manifestation of the emergence of such new forms of political commitment among young people and the remodeling that they operate in their relations to politics. So this research refers to these newly-invented forms of expression that convey distinctive values, imprinting young people’s political action by specific ways and means of doing things. These means are multiple, characterized by a plurality of expressive channels and forms of involvement. Thus, the art of the street, body language, lifestyle, etc. all perfectly illustrate that, behind their disinterest in the traditional political circuits, other methods and mechanisms of mobilization are taking shape and unfolding; they are certainly still ambiguous and undefined, but yet innovative, autonomous, plural, heterogeneous and, above all, unconventional and individual.

Keywords :
Electoral Behavior, identity strategies, engagement political