Durée : 2 ans.

Objectifs scientifiques, problématique.

L’objectif principal de la recherche répond à l’urgence de reconsidérer la numérisation de l’héritage culturel au-delà de ses caractéristiques géométriques, en prenant en charge plusieurs informations hétérogènes d’ordre historique, énergétique, sémantique, sensible et phénoménologique dans une optique de valorisation patrimoniale durable. Ce projet, s’alignant avec les objectifs des Nations Unies (ODD), et spécifiquement ceux qui pointent la préservation du patrimoine, vise également, dans un objectif général, à soutenir une transition numérique du secteur patrimonial, tant en Tunisie qu’en France, via des opérations de patrimonialisation structurées et durables. En effet, à l’aune d’une production industrielle 4.0 intelligente, adaptative, partagée et collaborative, nous sommes à une époque où le savoir revêt un rôle déterminant en tant qu’outil du pouvoir et de création de la richesse (Toffer, 1991) à travers les informations qu’il produit, tous domaines confondus. Par sa circulation, sa diffusion, sa gestion et son partage, l’information devient un indicateur majeur du développement sociétal. L’usage dont chaque société fait des nouvelles technologies afin de véhiculer les informations est déterminant pour tracer ses différentes orientations économiques, politiques, humaines ou encore culturelles et artistiques (Picon, 2010). Ainsi, en examinant les différentes pratiques de valorisation de l’héritage culturel à travers le monde depuis une trentaine d’années, une tendance à une numérisation massive des patrimoines se dégage (Benghozi, 2011) dans l’objectif de les préserver sur le long terme et de les rendre accessibles. Cette pratique, caractérisant la volonté de garder une empreinte numérique de l’identité culturelle d’une population donnée, fait évoluer le rapport de l’usager à son héritage vers des liens dématérialisés se déployant dans le monde virtuel. Une grande panoplie de technologies facilitent ce déploiement, à savoir la réalité augmentée, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle, les jumeaux numériques ou encore le HBIM (Heritage Building Information Modeling).
Dérivé du BIM (Building Information Modeling) défini comme « un processus collaboratif axé sur le développement, l’utilisation, l’échange et la gestion de modèles de données numériques liés à un projet ou à un portefeuille d’infrastructures dans le but d’améliorer sa conception, sa construction et son exploitation. » (Gouvernement du Québec, 2022), le HBIM est un « nouveau système pour la modélisation des structures historiques » (M. Murphy & al., 2009). Cependant, cette définition met l’accent sur les objets et leur traitement géométrique et morpho-technique (López et al., 2018) au détriment des processus collaboratifs, pourtant un enjeu important dans le cadre d’une telle méthodologie de travail (d’Avezac de Castera, 2018). En effet, notons que, dans le domaine patrimonial, l’application de cette méthodologie de travail s’est souvent cantonnée au processus Scan-to-BIM qui se résume à l’acquisition des données morphologiques existantes via des méthodes de laser scan 3D ou de photogrammétrie et le passage au post-traitement et à la modélisation de ces données afin de produire un double numérique du bâtiment historique étudié. Cette tendance qui marque fortement les pratiques patrimoniales aussi bien en Tunisie que partout dans le monde, néglige l’aspect collaboratif du processus ce qui limite les bénéfices potentiels de sa mise en œuvre à grande échelle (Adekunle &al., 2022). De plus, le domaine patrimonial, confrontant objets matériels et études humaines, sociales et expérimentales, est marqué par une spécificité qui dépasse le simple constat de l’irrégularité des formes historiques et le défi de leur modélisation vers l’enjeu de considérer l’hétérogénéité des sources documentaires, des données analytiques issues des divers outils TIC et des processus de traitement mobilisés pour améliorer les opérations de régénération d’un héritage donné. Prendre en considération cette spécificité est capital afin d’éviter une gestion chronophage et fastidieuse des données patrimoniales numériques (Stoleru, 2020). Ainsi, l’intérêt d’un environnement BIM appliqué à l’héritage réside dans une double considération complexe de la modélisation géométrique des objets patrimoniaux et des relations entre ces objets modélisés et leurs attributs liés à la documentation historique, aux pratiques sociales qui existaient dans l’espace régénéré, aux connaissances constructives et structurelles, aux matériaux et à leur comportement énergétique etc. Bien que des recherches se soient déjà attelés à proposer un enrichissement qualitatif de la maquette numérique en implémentant par exemple la technologie du « Web sémantique » dans le flux du travail HBIM (Simeone et al., 2019), les approches en la matière restent encore à développer. Le recours à une approche ambiantale, approche hydrique par essence qui allient les domaines sensible et physique, est de mise pour ce projet de recherche. Diverses questions émergent de ce ratissage synthétique de la littérature concernant les problématiques liées au processus HBIM : Quel serait l’apport du BIM, domaine transdisciplinaire en perpétuelle évolution, comme process dans une logique de valorisation patrimoniale qui a tant de spécificités ? Quels seraient les moyens à mettre en œuvre dans ce processus de valorisation de l’héritage afin d’éviter l’écueil d’une numérisation morpho-technique d’un héritage vers une numérisation ambiantale de ce dernier qui prend en charge conjointement les dimensions énergétique, sensible et créative de notre monde ? Comment et à quel moment intervenir dans un flux de travail HBIM afin d’introduire de la qualité dans ce processus normé par excellence ? Quels seraient les technologies complémentaires au processus à considérer dans cet objectif ? Comment mettre l’accent sur l’aspect collaboratif du processus, idéal pour prendre en charge la complexité de la numérisation de nos patrimoines ? Dans un questionnement plus large, réussir la transition numérique du secteur de la construction en général ne serait-il pas tributaire d’une reconfiguration des pratiques et de l’implémentation de nouvelles méthodologies d’approche des biens nouveaux et patrimoniaux qui conjugueraient forme physique et vécu sensible ? Répondre à ces questions serait la voie vers l’adaptation aux mutations qui bouleversent le système de représentation en sciences de conception qui bascule du monde réel au monde virtuel permettant d’accompagner le secteur du bâtiment en général et celui du patrimoine en particulier vers une digitalisation nécessaire mais réfléchie.

Ainsi, ce projet de recherche ambitionne principalement d’engager une logique opérationnelle collaborative et cohérente de dynamique de restitution des objets et des faits architecturaux de l’héritage culturel par le biais des ambiances, cette entité à la croisée du monde physique et du monde sensible (Thibaud, 2016). Cette démarche sera engagée tout en préservant l’authenticité de l’héritage étudié et en appuyant son rôle de levier économique régional à travers son fort potentiel d’employabilité et tout en respectant également la particularité de la région d’intervention, tant en Tunisie qu’en France. Trois sous objectifs découlent de cette intention principale et structurent la méthodologie à emprunter par notre projet de recherche, à savoir :

  • Un 1er sous-objectif consiste à identifier les besoins en matière de normalisation et l’implémentation du BIM au niveau du secteur de la valorisation du patrimoine et à préciser les niveaux d’implémentation d’une démarche ambiantale dans un processus HBIM.
  • Un 2ème sous-objectif vise à construire, à la lumière des besoins identifiés au niveau du 1er sous-objectif, un modèle informationnel qui dépasse la modélisation géométrique des données patrimoniales vers une prise en charge des ambiances en interrogeant trois niveaux de leur implémentation dans ce processus appliqué à un bâtiment historique à valoriser : un niveau énergétique relatif aux simulations physiques des paramètres ambiantaux, un niveau sémantique relatif aux simulations du vécu sensible des lieux au passé et un niveau régénératif relatif au potentiel récréatif de l’opération de patrimonialisation choisie.
  • Un 3ème sous-objectif consiste à valider le modèle à construire en l’appliquant sur un cas d’étude précis afin de le calibrer. Un objectif transversal à opérationnaliser sur la durée du projet se déploie à partir de notre intention principale, à savoir : la mobilisation et l’engagement de l’écosystème du secteur de la valorisation de l’héritage culturel dans une démarche évolutive et participative afin d’établir des objectifs et des orientations communs en matière de valorisation patrimoniale durable, quel que soit le contexte de l’étude.

Description et méthodologie

Le caractère novateur du projet proposé se retrouve dans son positionnement interventionniste et pragmatique qui vise le développement, la mise en œuvre et la validation d’un processus informationnel ambiantal collaboratif appuyant la numérisation du patrimoine de façon structurée, soutenue et durable aussi bien en Tunisie qu’en France. Ceci implique une reconfiguration des structures, des pratiques et des flux de données s’opérant au sein d’une démarche de valorisation numérique d’un patrimoine donné. S’engageant dans cette voie à travers les objectifs déjà décrits, notre projet de recherche développe une méthodologie de recherche mise en place conjointement par les partenaires de ce projet :

  • Tout d’abord, un travail de terrain auprès de tous les acteurs du secteur patrimonial vise à identifier les besoins en matière de normalisation et d’implémentation du BIM à son niveau sera effectué. L’échantillon visé dans cette étape d’enquêtes et d’entretiens sur terrain sera ciblé au moyen d’une cartographie d’acteurs du domaine repérés dans trois milieux interconnectés, à savoir : le milieu académique/pédagogique, le milieu professionnel privé/public et le milieu administratif/associatif. La taille de l’échantillon sera déterminée en deux temps : premièrement, la population cible sera divisée en trois sous-groupes homogènes, sur la base de ces trois milieux, académique, professionnel et associatif. Par la suite, un échantillon formé prioritairement d’architectes sera sélectionné à l’intérieur de chaque sous-groupe. Cette précision émane de la volonté de focaliser sur le domaine de l’architecture, domaine vers laquelle s’adresse ce projet. Ce travail, à mener à Nantes, est d’un grand intérêt afin de préciser les niveaux d’implémentation d’une démarche ambiantale dans un processus HBIM. Le choix du terrain nantais émane du constat que le secteur de valorisation patrimoniale en Tunisie demeure en retard par rapport au processus enclenché depuis un moment à travers le monde, et ceci en dépit des tentatives isolées de digitalisation du cycle régénératif d’un bâtiment historique émises de la part d’acteurs locaux, notamment parmi les prestataires exportant des services à forte composante digitale (Note de cadrage concernant l’implémentation du processus en BIM en Tunisie, FNEBTP, 2023).
  • Les leçons tirées de l’analyse des données du terrain nantais serviront à piloter en second lieu la construction du modèle informationnel qui dépasse la modélisation géométrique des formes patrimoniales vers une prise en charge des ambiances physiques et sensibles dans le processus HBIM. Ainsi, ce modèle ambiantal interroge trois niveaux d’écriture numérique d’un patrimoine bâti en puisant dans le substrat mémoriel complexe d’un lieu donné. Notre modèle se dotera d’un triple pouvoir énergétique, sémantique et régénératif d’appréhension spatiale : le potentiel énergétique s’exprimera à travers l’exploration de la strate morpho-physique du bâtiment historique à valoriser. Ce travail se résumera essentiellement en des études de simulation solaire, aérodynamique, acoustique et énergétique. La technologie des jumeaux numériques sera convoquée afin de réaliser ces simulations. Véritables avatars de bâtiments, les jumeaux numériques à modéliser permettront une prise de décision analytique en étant le support de ces simulations (Xie &al., 2020) et prédiront les conséquences d’une opération de patrimonialisation donnée sur le bâtiment (Zhuang &al., 2021). Le potentiel sémantique à implémenter au niveau du processus sera mis en exergue à travers l’étude de la strate morpho-sensible du bâtiment via une modélisation des pratiques sensibles à la lumière de la documentation historique et du travail de collecte de données phénoménologiques relatives au projet tel qu’il est vécu dans le passé. Cette strate prendra en charge les ambiances dans leur dimension sensible, l’insaisissable, le génie des lieux, l’élément intangible qui enrichirai toute régénération spatiale de sens (Norbert-Schultz, 1979). La technologie de la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité mixte sera utilisée. Véritables outils transversaux connectant le passé au futur dans le présent, ils déploieront des expériences immersives utilisant le corps comme témoin de la mémoire ambiantale d’un bâtiment historique, véritable identité d’un lieu (Jouan &al., 2021). Enfin, le potentiel régénératif du modèle à construire s’exprimera à travers la strate morpho-récréative par une automatisation des choix des opérations de régénération du patrimoine et leur cadence. L’outil qui permettra cette action sera l’intelligence artificielle. D’une part, elle pilotera le processus Scan-to-BIM, phase caractérisée par une non-automatisation du flux de travail (les recherches sont récentes et peu nombreuses concernant ce point, voir Iglesias &al., 2020, Aftab & al., 2023) ce qui rend le traitement des données gourmand en temps et en efforts cognitifs humains. Aussi, cette solution sera mise en place afin d’intégrer la dimension récréative en élargissant considérablement les possibilités d’exploration lors des interventions patrimoniales et les choix à opérer pour chaque opération.
  • La dernière étape de notre méthodologie sera la validation du modèle construit en l’opérationnalisant sur le terrain tunisien afin de le calibrer pour qu’il s’adapte aux spécificités de n’importe quel contexte d’application. Le cas d’étude choisi en Tunisie est l’opération patrimoniale de requalification de l’acropole de Byrsa et de la réhabilitation du musée national de Carthage à Tunis qui a fait l’objet d’un concours international. Il s’agit du premier concours international d’architecture labélisé UNESCO-UIA en Tunisie et le troisième sur le continent africain. Approuvé par l’Ordre des Architectes de Tunisie, il est dirigé par Expertise France pour le compte du Ministère des Affaires Culturelles de Tunisie. Le site du projet est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le 1er Prix et gagnant du concours est un groupement allemand représenté par Thorsten Kock, Chef de file : Bez + Kock architecte, en consortium avec Koeberlandschaftss Architecture, Grauwald studio. La réalisation du projet est prévue entre 2024 et 2026. Ce choix est opéré dans l’objectif d’appliquer, de tester et de calibrer le modèle informational ambiantal élaboré lors de la seconde phase de la méthodologie de notre projet de recherche sur un cas d’étude dont les acteurs, en l’occurrence tuniso-allemands, sont dans l’urgence de collaborer ensemble via le BIM et ses technologies complémentaires sans partager à priori un même langage et normes de conception et de réalisation du projet. Ainsi, ce choix de terrain d’étude rejoint parfaitement l’objectif transversal de notre recherche concernant l’esquisse d’un cadre de mobilisation des différents acteurs du secteur patrimonial dans une démarche collaborative. En effet, compte tenu de l’importance des normes et standards qui régissent le processus BIM en général à l’échelle internationale, un travail sur le cadrage opérationnel normatif de notre modèle est essentiel afin d’appuyer la numérisation du secteur patrimonial de façon organisée. Cette action permettra à la dimension intégrative de la méthodologie HBIM d’acquérir toute son importance et d’avoir ainsi une collaboration solide autour de la maquette numérique patrimoniale entre les différents intervenants à savoir des archéologues, des historiens, des architectes, des ingénieurs, des sociologues, des anthropologues, des scénographes, des artistes etc.

Contexte national et international

Le secteur du patrimoine est un important contributeur à la société, tant au niveau de l’économie qu’au niveau de l’environnement. Renouveler les pratiques patrimoniales est essentiel afin de tirer profit du pouvoir de levier économique, sociétal et écologique su secteur de l’héritage culturel. Ainsi, face à la crise environnementale, économique et sociale qui touche le monde entier, la Tunisie et la France sont toutes les deux concernées par l’urgence de modifier les pratiques de valorisation des patrimoines matériels afin de soutenir une transition numérique du secteur prenant en charge l’héritage culturel via des opérations de patrimonialisation éco-responsables. Secteur névralgique de l’économie des deux pays, l’héritage culturel contribue en Tunisie à peine à 7% du PIB et génère 400 000 emplois, chiffres alarmants pour l’économie du pays quand nous savons que la Tunisie compte en matière de patrimoine matériel 1200 monuments et sept sites inscrits à l’UNESCO (Fondation Konrad Adenauer, 2020).

Face à ces statistiques, des solutions urgentes s’imposent afin de revitaliser le secteur patrimonial et tirer profit de son potentiel générateur d’emplois et attracteur de visiteurs et de touristes tout en adoptant une démarche durable. Les chiffres relatifs à la numérisation des patrimoines bâtis sont absents dans le contexte tunisien ce qui nous empêche de tirer des conclusions quant au possible impact des opérations de numérisation, souvent isolées et n’obéissant pas à une stratégie gouvernementale bien ficelée. En comparaison, notons que la numérisation du patrimoine matériel et immatériel en France est organisée en plusieurs programmes nationaux, ce qui marque son avancée considérable dans ce domaine (Programme national de Numérisation et de Valorisation, stratégies pour la sémantisation des données culturelles etc. voir https://www.culture.gouv.fr/). Même si les fonds de l’état français réservés à la mise en valeur du patrimoine en général représentent 3% du budget du ministère de la culture, qui ne représente lui-même que 2,1% du budget de l’état (INSEE, 2020), le cadrage politique des opérations de valorisation des patrimoines menées par la France demeure un exemple à suivre et à bâtir dessus, notamment en matière de maquettisation numérique en 3D des bâtiments à préserver et de recours à la méthodologie HBIM (travaux de l’Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture (OPPIC) sous tutelle du ministère de la Culture. Au sujet de l’adoption du BIM en général, en comparant la situation tunisienne à celle internationale et selon une étude réalisée par l’Institut Arabe des Chefs d’entreprises en 2017, les métiers du secteur du bâtiment souffrent d’une faible digitalisation en comparaison aux avancées internationales même dans les pays ayant un tissu économique comparable à celui de la Tunisie. En dépit de tentatives isolées de digitalisation du cycle de vie d’un bâtiment émises de la part d’acteurs locaux, le secteur de la construction en Tunisie demeure en retard par rapport au processus enclenché depuis un moment à travers le monde (FNEBTP, 2023). En effet, les méthodes de travail classiques actuelles appliquées en Tunisie et qui accompagnent le cycle de vie du projet sont caduques, en pleine ère de digitalisation et de normalisation massive touchant ce secteur partout dans le monde. Si l’avenir du management du projet architectural et urbain (à construire ou à préserver) est indéniablement dans le numérique, le secteur de la construction en Tunisie demeure résistant à cette réalité qui pousse pourtant vers le changement. Cette résistance pourrait notamment s’expliquer par un manque de sensibilisation aux nouvelles technologies et à leurs retombées économiques, climatiques et sociales. Ces constats de la réalité tunisienne face à la digitalisation et la normalisation du secteur de la construction en général et celui de la préservation du patrimoine matériel en France et à l’échelle internationale ne peuvent que mettre en relief le caractère inédit et urgent de la problématique soulevée par ce projet en lien avec l’état des connaissances.

Résultats attendus :

Les résultats escomptés de notre projet de recherche s’articulent en fonction des différents objectifs énoncés précédemment. D’abord, la rencontre de l’objectif principal du projet permettra à l’équipe de proposer un modèle informationnel de traitement des données patrimoniales pour la valorisation de l’héritage culturel par le biais des ambiances, en ajoutant une strate sensible et qualitative à la strate morpho-énergétique qui caractérise le processus HBIM. Ce résultat est visé en pointant deux aspects : d’une part, l’aspect relatif aux enseignements tirés de l’expertise du CRENAU dans ce domaine à travers le transfert des connaissances déjà développées par la partie française, et d’autre part, par la validation et l’ajustement de ces connaissances via une adaptation au contexte tunisien comme le modèle à construire sera à tester sur un projet faisant appel au processus HBIM en Tunisie. Notre projet fournira également des réponses directes à l’objectif transversal énoncé auparavant et qui vise la mobilisation des acteurs du secteur de la valorisation de l’héritage culturel dans une démarche collaborative et engagée afin d’établir un cadrage normatif en matière de valorisation patrimoniale durable, quel que soit le contexte de l’étude. Ainsi, une reconfiguration au niveau de la formation aux métiers de la préservation du patrimoine culturel, ainsi qu’au niveau des pratiques professionnelles est attendu. Concernant la formation, nous concrétiserons ce résultat en initiant les étudiants en architecture, domaine ciblé prioritairement par ce projet, à la démarche HBIM au cours de leur cursus de base afin qu’ils acquièrent les connaissances générales nécessaires et préalables à la compréhension de de cette méthodologie. Notons que, si cette initiation est déjà mise en place dans les écoles supérieures d’architecture en France concernant le BIM à un niveau général, elle est absente de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis, unique école publique en Tunisie formant des architectes. En France, les résultats serviront à consolider l’offre de formation existante. La recherche scientifique sera aussi concernée par cette restructuration dans la mesure où mener un travail de recherche et de développement autour du BIM permettra de connecter le monde professionnel à celui de la recherche, souvent isolée pour cause de production majoritairement théorique et qui manque d’opérationnalisation. Ceci contribuera à l’ouverture de la recherche au monde socio-économique en développant sa dimension entrepreneuriale et en générant de nouvelles opportunités d’emplois ou de nouvelles stratégies de création. A la quasi absence du recours au processus HBIM en Tunisie en matière de valorisation des bâtiments historiques, une reconfiguration au niveau des pratiques des acteurs des opérations de patrimonialisation sera attendue en imposant l’adoption d’une démarche normative et collaborative à appliquer à chaque opération dans l’objectif de systématiser le recours au processus HBIM. Une telle refonte des pratiques contribuera à réduire concrètement les émissions et la production de déchets du secteur de la préservation du patrimoine. Des études gagneront à être réalisées dans l’objectif de démontrer que ce résultat peut être obtenu à moyen terme en changeant les modes opératoires. In fine, l’ensemble de ces retombées attendues d’un tel projet de valorisation d’un héritage donné via le numérique se cristallisent autour d’une perspective ultime qu’est la régénération de potentialités pour la promotion d’une culture donnée et le redéveloppement régional durable fondé sur l’activité entrainante de l’éco-tourisme. L’économie durable éco-biologique et authentique sera donc croisée et enrichie avec les apports de la nouvelle économie post-moderne basée sur le savoir, la créativité et l’intelligence de nouvelles firmes flexibles et de start-up innovantes.

Mobilisation des connaissances :

Le partage, l’échange, le transfert et l’application des connaissances issues de notre projet de recherche seront les modes privilégiés pour leur mobilisation vers des publics ciblés. Ainsi, la diffusion des résultats se fera via différents canaux et à travers des réseaux et plateformes variés en Tunisie et en France. La diffusion scientifique, à savoir les articles de revues scientifiques ainsi que les articles de conférence, sera privilégiée. Les chercheurs des deux pays collaboreront sur l’ensemble des articles issus de la recherche. Un total de trois articles de journaux et six articles de conférence, soit un article de journal et deux articles de conférence par sous-objectif, est prévue dans le cadre de ce projet de recherche. Chaque doctorant tunisien (voir Tableau2. Planification du travail ci-dessous), soutenue par un chercheur junior de l’équipe française, sera responsable du développement des dits articles en lien avec les aspects de la recherche dont ils ont la responsabilité (exemples de revues ciblées pour la diffusion des résultats de notre recherche : Journal of Construction Engineering and Management, DNArchi, Ambiances etc). La participation dans des conférences internationales sera également privilégiée dans le but de faire bénéficier les membres de l’équipe de recherche d’un réseau de chercheurs internationaux travaillant sur des sujets connexes dans le but de favoriser les échanges (exemples de conférences ciblées pour la diffusion des résultats de notre recherche : la conférence annuelle ÉduBIM, les rencontres biannuelles du Séminaire de Conception Architecturale Numérique SCAN etc.). Ces manifestations permettront à l’équipe du projet de présenter les résultats en lien avec ses travaux à un auditoire varié réfléchissant aux implications du numérique en conception architecturale (professionnels, enseignants et chercheurs). Aussi une rencontre annuelle en présentiel sera planifié par les deux parties afin de faire le point sur l’avancement de la recherche et tracer la feuille de route des prochains mois. En parallèle, les forums socio-économiques ainsi que les revues d’associations seront visés afin d’atteindre un auditoire large. Vu le caractère pragmatique du projet de recherche, et en lien avec les objectifs de mobilisation du secteur socio-économique lié à l’héritage culturel, l’équipe de recherche engagée dans ce projet cherchera à maximiser les communications et les interactions avec les acteurs de ce secteur, tant en France qu’en Tunisie. D’ailleurs, notre projet bénéficie du soutien de trois partenaires socio-économiques œuvrant dans le domaine de la valorisation numérique de l’héritage culturel et basées en Tunisie et qui s’engagent à soutenir le projet à différents niveaux selon leurs compétences et spécialement lors de la 3ème étape du protocole expérimental, à savoir la validation de notre modèle informationnel sur le terrain tunisien :

  • Bureau d’études TOPO+ spécialisé en opérations Scan-to-BIM appliquées aussi bien aux sites de nouveaux projets qu’au domaine de la valorisation des bâtiments historiques. Il mettra ses moyens matériels et humains au service du projet afin de pouvoir réaliser la tâche de l’acquisition des données du terrain d’étude. Afin de bien exploiter les potentialités du matériel à utiliser, à savoir un laser scan 3D et un équipement photogrammétrique (drone/appareil photo), un appui humain sera également prodigué par TOPO+ et orienter les opérations Scan-to-BIM pour une meilleure exploitation des données recueillies.
  • Museum Lab (https://museumlab.tn/index.php/qui-sommes-nous-2/), association qui œuvre sur l’apport des technologies numériques et immersives dans les sites patrimoniaux. Elle appuiera le projet en apportant son expertise en matière de formation et de création des conditions nécessaires pour pouvoir expérimenter les protocoles numériques développés dans le cadre du projet sur terrain. L’association œuvrera également en matière de développement opérationnel post-projet de la recherche engagée en proposant des pistes pour renforcer son employabilité.
  • Association de Sauvegarde de la Médina ASM (https://www.asmtunis.com/) sensibilisant, formant et encadrant les intervenants dans la Médina de Tunis et promouvant les petits métiers en associant les artisans aux chantiers de réhabilitation et de restauration. Ce partenaire sera d’un appui considérable au projet dans le développement de son aspect médiatif en relation avec son objectif transversal de mobilisation des différents acteurs du secteur de la valorisation de l’héritage culturel dans une démarche collaborative et normalisée afin d’échafauder une stratégie politico-sociale de pratiques patrimoniales orientée vers une normalisation du recours au processus HBIM.

Notons également que, parmi les perspectives du projet, constituer un groupe de recherche sur le numérique et de l’héritage culturel capable de se structurer en réseau de recherche est visé. Cette structuration est fort envisageable compte tenu de la thématique du projet et son ouverture sur d’autres structures de recherche qui travaille sur la même problématique mais appartenant à d’autres disciplines produisant des connaissances connexes et complémentaires à celles pouvant être générées par une recherche architecturale, à savoir : l’archéologie, l’histoire, l’ingénierie, l’art etc. En effet, partant du fait que tout travail sur les ambiances engage nécessairement un positionnement transdisciplinaire entre les domaines physique, social et architectural qui s’inscrit dans les actions de recherche du Réseau International sur les Ambiances, notre projet pourra naturellement se structurer à terme en réseau avec une ouverture possible vers des appels à projets plus ambitieux.