• Référence bibliographique de la notice

Présentation des enregistrements

Ces enregistrements sonores sont associés à la thèse de doctorat de Sébastien De Pertat : « Ambiances de l’anthropocène.
À l’écoute des mutations des milieux de vie dans un arrière-pays de la métropole grenobloise»
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Les séquences n°1 à n°6 sont des enregistrements pris sur le terrain, dans le sud de Grenoble. Elles ont été prises dans le cadre d’une enquête ethnographique, qui s’intéressait au vécu des habitants dans un milieu marqué par la présence de deux plateformes chimiques (Pont-de-Claix et Jarrie).

Les séquences n°7 à n°12 ont été prises dans le cadre d’une expérimentation collective, d’enregistrement du milieu à grande échelle, nommée les « sirènes du Drac ». Il s’agissait de capter les résonances des sirènes d’alerte industrielles, testées une fois par trimestre : les sirènes du SAIP, puis les cornes de brume (alerte en cas de rupture de barrage hydro-électrique). Ces enregistrements ont ensuite donné lieu, pour la réécoute, à une installation sonore en multi-diffusion. Les séquences 8 à 12 en particulier ont été enregistrées avec des performances improvisées in situ de quatre musiciens de l’ensemble Apnées.

N.B. : Sauf mention contraire, tous les enregistrements présentés sur cette page ont été réalisés par l’auteur de la thèse.

Index

N°1 – Depuis l’ancien cimetière de Pont-de-Claix

[1min 59]
10 avril 2022. Enregistrement : Laïs Janvion
Point GPS : 45.122453, 5.701451

Effets sonores : crescendo ; émergence

Enregistrement en point fixe. Depuis l’ancien cimetière de Pont-de-Claix, accolé à la plateforme chimique. Ambiance très calme, aucun bruit de trafic routier malgré la proximité du centre-ville et des oiseaux très présents. À partir de 00’30 environ, un long crescendo démarre : un son dans les basses, qui se rapproche jusqu’à culminer 01’18 : c’est le passage d’un train. La voie de chemin de fer fait office de frontière entre l’usine et la ville. En fin de séquence, on distingue au loin, très léger, le bruit sourd d’un hélicoptère.

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N°2 – Canal de la Romanche, le long des anciennes papeteries de Pont-de-Claix. Septembre 2021 puis 2022 : un effet de coupure dilaté dans le temps

[1min 33]
Deux séquences : la première le 25 septembre 2021 ; la seconde le 15 septembre 2022
Point GPS : 45.11355, 5.70349

Effets sonores : coupure

Enregistrement en point fixe. Sur la première séquence, l’écoulement du canal est fort et produit un effet de masque qui empêche de percevoir tout autre son. La seconde séquence, le canal n’est plus en eau : ce sont alors les sonorités de la route nationale, située à environ 500 mètres, qui nous arrivent. J’évoque ici un effet de coupure dilaté dans le temps : le retour sur le terrain en septembre 2022 m’a en effet confronté à l’absence d’eau dans le canal, là où j’étais habitué à un écoulement conséquent et constant. En son absence, ce sont les flux routiers qui ont pris le dessus, accentuant une « sécheresse » perçue de l’endroit.

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N°3 – À côté du canal des 120 Toises, derrière la CCAS des industries électriques et gazières

[1min 10]
25 septembre 2021.
Point GPS : 45.11321, 5.70119

Effets sonores : composition (?)

Enregistrement en point fixe. Sur un petit sentier qui longe le canal des 120 Toises, au sud de Pont-de-Claix, à proximité des anciennes papeteries. On bute sur un grillage sur lequel un vieux panneau jaune indique : « 224 Electricité de France – Propriété privée Accès interdit ». La route nationale passe à proximité, la circulation produit un ronronnement continu. La végétation est dense et les chants d’oiseaux font percevoir la réverbération des lieux sous les arbres, relativement hauts à cet endroit. Une musique d’un big band de jazz, dans un grain lo-fi comme tout droit sorti d’un vieux tourne-disque, semble émerger de derrière la végétation. À une centaine de mètres se trouve la centrale hydro-électrique de Pont-de-Claix et la CCAS : la Caisse centrale des activités sociales des industries électriques et gazières. Un vaste espace dispose de logements en mobile home, une salle des fêtes, un grand parc avec aire de jeux et de pique-nique, pour accueillir les personnels d’EDF et d’autres entreprises liées à la distribution de gaz et d’électricité.

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N°4 – Forêt domaniale de Champagnier, à proximité de la plateforme chimique de Pont-de-Claix

[1min]
18 février 2024.
Point GPS : 45.115253, 5.712408

Effet : ubiquité

Enregistrement en point fixe. Depuis le versant nord-ouest plateau de Champagnier, les chants d’oiseaux qui emplissent la forêt sont accompagnés par des sonorités continues : un vrombissement dans le grave en même temps qu’un sifflement aigu. C’est une installation de la plateforme chimique de Pont-de-Claix, située juste en contrebas. Ces sonorités sont bien plus audibles depuis ce point légèrement en altitude (une centaine de mètres au-dessus), qu’en bas, en proximité immédiate de l’usine. Bien que facilement associées à la présence de l’usine, elles emplissent néanmoins l’espace de la forêt sans qu’on puisse déterminer avec précision la localisation d’émission des sons.

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N°5 – Colline de la croix de la vue : un effet de balcon sur les sonorités de l’usine

[40s]
15 septembre 2022.
Point GPS : 45.0922558, 5.7467151

Effets sonores : balcon, crescendo

Enregistrement en marchant. Départ depuis une prairie ouverte dans la colline qui mène à la Croix de la vue, sur la commune de Jarrie. Au début de la séquence, on entend des grillons, des insectes qui volent à proximité des micros et quelques oiseaux. Plus lointain, on perçoit un bourdonnement continu dans les graves. Je me mets en marche à 00’10 et, depuis cette prairie, rejoint le versant de la colline qui redescend vers le centre de basse-Jarrie. On entend un crescendo bien marqué dans les 15 dernières secondes, où ce bourdonnement devient de plus en plus présent : il s’agit des installations de la plateforme chimique de Jarrie.

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N°6 – Centre de basse-Jarrie : des sonorités par vague

[1min 10]
14 novembre 2022
Point GPS : 45.087165, 5.742894

Effets sonores : vague ; délocalisation

Enregistrement en point fixe. Depuis le centre de basse-Jarrie, on perçoit comme une gigantesque soufflerie accompagnée de résonances aiguës. On pourrait croire aux moteurs d’un avion ou d’un hélicoptère au sol. Ces sonorités ne sont pas perçues de façon uniforme sur toute la séquence : parfois beaucoup plus présentes, parfois plus au loin. On entend un vent léger, dans les arbres (vers 00’28), puis poussant des feuilles mortes au sol (vers 00’50). Ici, le vent produit un effet de vague. Si celui-ci emprunte à une métaphore aquatique, les auteurs du Répertoire des effets sonores (Augoyard et Torgue 1995) mentionnent toutefois que le vent peut produire un effet analogue : « dans le cas d’un continuum sonore que le vent propage jusqu’à un auditeur éloigné, les bourrasques modulant crescendo et decrescendo suivant le même profil qu’une vague. Le résultat s’apparente alors à un effet de masque d’un type particulier, qu’on pourrait appeler effet de vague en creux » (Ibid., p. 158n3).

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N°7 – Cornes de brume dans la plaine de Reymure

[1min 10]
1er juin 2022  – Enregistrement  : Théo Marchal
Point GPS : 45.087725, 5.708899

Effets sonores : distance ; ubiquité

Enregistrement en point fixe. Au cœur de la plaine de Reymure, à une petite dizaine de kilomètres au sud de Grenoble. Tout autour de nous : des champs, quelques maisons, des arbres disséminés ou en bosquets. La vue porte loin et l’espace, très ouvert, donne une impression d’horizontalité parfaite, en contraste avec les montagnes environnantes. Dès le début de la séquence, au loin, une corne retentit : il s’agit d’une corne de brume, prévue pour alerter en cas de rupture de barrage hydroélectrique en amont et ordonner l’évacuation. Celle-ci se répète, à deux reprises, à quelques secondes d’intervalle. D’autres, au loin, répondent – ou alors ce sont des résonances contre les montagnes avoisinantes ? L’effet de distance (cf. « Proche et lointain sonore, effet de distance et sons de la densité », Théo Marchal, école d’hiver du Cresson de janvier 2023, https://aau.archi.fr/cresson/cressound-2025/cressound-winterschools/ecole-dhiver-winterschool-2023/), entre le proche et le lointain, est surprenant. Mais plus que la distance de la source sonore par rapport au point d’écoute, c’est aussi l’expression d’une échelle à laquelle cette sonorité nous projette. Il y a, dans cette petite séquence, comme deux expressions territoriales incommensurables : celle des oiseaux et des insectes, tout proches ; celle de la corne de brume, qui exprime le lointain, le grand territoire. Et le danger : elle intime la fuite immédiate. « On croirait un paquebot qui arrive dans la plaine » : c’est en ces termes qu’un agriculteur de la plaine de Reymure a décrit ces sirènes qui retentissent ici tous les trois mois.

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Performances improvisées avec l’ensemble Apnées

Les cinq séquences qui suivent sont extraites des performances improvisées de membres de l’ensemble Apnées (https://apnees.wordpress.com/ensemble-de-musique-improvisee/), enregistrées le 7 juin 2023. Il s’agit de quatre performances solo, enregistrées in situ sur le territoire sud grenoblois, au moment des tests trimestriels des sirènes et des cornes de brume. Ces quatre performances se sont tenues simultanément et ont été rassemblées par le biais d’une installation en multidiffusion.

– Alessandro De Cecco : violoncelle ; plaine de Reymure, en face de la petite chapelle dite « Saint-Maurice ». Enregistrement : Théo Marchal.

– Rémi François : percussions, dispositif électroacoustiques ; plaine de Reymure, ferme de Malissoles. Enregistrement : Paul Bai.

– Clément Putegnat : clarinette, effets ; centrale hydro-électrique de Champ II (Champ-sur-Drac). Enregistrement : Marc Higgin.

– François Leclère : instruments électroniques ; colline du Saut du moine (Jarrie). Enregistrement : Sébastien De Pertat.

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N°8 – extrait des performances improvisées 

(2min 40)

Les quatre pistes sont jouées en même temps (les quatre musiciens). On entend l’utilisation de petits instruments percussifs électroacoustiques dans les premières secondes, puis c’est le clarinettiste qui prend le dessus, rejoint par le violoncelliste. Tous deux jouent sur des sons plutôt longs, tenus. Une première sirène sonne à partir de 1’18. Les instruments électroniques rejoignent la fin de séquence, en arrière-plan, à partir de 02’02.

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N°9 – extrait des performances improvisées 

(1min 25)

Deux pistes jouées ensemble : le violoncelliste (Alessandro De Cecco) et le clarinettiste (Clément Putegnat). Les petits sons percussifs au début de la séquence sont joués par le clarinettiste, avec des baguettes contre les grilles métalliques au sol. Le violoncelliste est sur un mode de jeu par imitation, comme il l’évoque lors d’une réécoute et discussion collective :

« C’est pas une imitation systématique, dans le sens où c’est pas à chaque fois qu’il y a quelque chose qui se passe, on essaie de l’imiter. Mais c’est une posture qu’on a, de se dire des fois on peut accueillir ce qui se passe autour et essayer de l’imiter, des fois le laisser juste s’écouler comme ça… Et du coup cette imitation, y’a pas vraiment de… encore une fois y’a pas vraiment de lien causal en fait. C’est plus cet univers commun et partagé, qui n’était pas uniquement celui des musiciens mais qui était partagé vraiment par le milieu, par le biais du milieu. »

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N°10 – extrait des performances improvisées 

(3min 37)

Les quatre pistes sont jouées en même temps (les quatre musiciens). Au bout d’une minute environ, une résonance s’établit entre le jeu des instruments électroniques, très percussifs, et celui des instruments électroacoustiques, eux aussi percussifs. L’un est métronomique, l’autre complètement aléatoire dans ses rythmes. En contraste, le clarinettiste (dès le départ), puis le violoncelliste (à partir de 1’40), tiennent des notes longues. En fin de séquence, à partir de 03’10, on entend une corne de brume qui résonne à trois reprises et à laquelle va répondre brièvement le violoncelliste.

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N°11 – extrait des performances improvisées 

(1min 36)

Deux pistes jouées ensemble : le violoncelliste (Alessandro De Cecco) et les instruments électroniques (François Leclère), pour bien entendre le duo qui se crée entre eux. On entend deux modes de jeu très proches : sons courts, secs, percussifs. Cette séquence prise isolément donne l’impression que les musiciens jouent ensemble, se répondent – alors même qu’ils se situent à des kilomètres de distance.

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N°12 – extrait des performances improvisées 

(1min)

Deux pistes jouées ensemble : le violoncelliste (Alessandro De Cecco) et le clarinettiste (Clément Putegnat). Cet extrait m’a marqué par le mouvement parfait auquel on assiste. En l’espace d’une minute, on passe d’un silence complet des deux musiciens à un crescendo progressif, sur des modes de jeu assez proches (notes longues, tenues), puis un decrescendo quasiment simultané pour finir ensemble une minute plus tard sur un silence.