Focus écho flottant
Pour ne pas encombrer la page du Petit lexique illustré des effets sonores, on a décidé d’en créer une nouvelle entièrement dédiée à l’effet d’écho flottant.
Effet relativement mineur comparé à ceux de réverbération, de coupure par exemple, ou même d’écho simple, l’écho flottant a particulièrement attiré ma curiosité, peut-être par sa relation intrinsèque à la dimension architecturale : il apparait essentiellement entre deux murs lisses & parallèles, configuration qu’on trouve rarement dans la nature mais très fréquemment dans l’architecture moderne.
Repéré dans le champs de l’acoustique des salles, donc :
« Dans une pièce vide, frappez dans vos mains. Les centaines de réflexions sur les parois et obstacles de la pièce produisent une traînée sonore dont l’amplitude décroît rapidement. Si les réflexions sont uniformément réparties sur la durée de la traînée et que la décroissance est régulière, il s’agit d’une réverbération. Si par contre, on entend distinctement une répétition du claquement de mains, il s’agit d’un écho flottant (flutter echo), c’est-à-dire que deux surfaces parallèles se renvoient le signal. »
(le monde de l’acoustique : https://www.rt60.net/trucs2.htm )
Il a plutôt mauvaise presse :
« Un écho flottant peut être perçu subjectivement. Il est généralement perçu comme dérangeante (sic) et doit être évitée (re-sic) » (https://www.preform.de/fr/echo-flottant/)
Mais au-delà de cette appréciation, qu’on peut comprendre dans le cas d’un studio d’enregistrement ou d’une salle de concert, il a un certain charme inexplicable qui me pousse depuis des années à l’enregistrer dès que j’en repère la potentialité.
Dans le garage souterrain de l’EnsAG à Grenoble
Dans la halle des Grands Atelier de l’Isle d’Abeau
Grande salle de la fondation Guggenheim à Bilbao
Galerie supérieure de la station de métro Baixa-Chiado à Lisboa
Dans ces deux derniers exemples les surfaces lisses & parallèles ne sont pas celles d’un parallélépipède rectangle, mais d’un demi cylindre dans le cas du métro & d’un plafond légèrement incurvé au Guggenheim & on commence à y entendre un phénomène supplémentaire que révèle l’écho flottant : des variations non plus seulement de la dimension rythmique (un battement), mais également de la dimension fréquencielle. On y reviendra avec des exemples plus explicites.
On rencontre l’écho flottant non seulement dans les espaces intérieurs, mais aussi dans les espaces extérieurs, en ville, où, avec un peu d’entrainement on apprend à le repérer d’un regard.
Petit passage entre 2 immeubles (forme en U) – Barcelona
Niches en azuleiros à l’extrémité du pavillon portugais (arch. A.Siza) – Lisboa
Une des célèbres arcades du centre de Bologna
Passage sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon
Dans un petit kiosque à musique à Brest
Dans ces deux derniers exemples vient se mêler à l’effet d’écho flottant un effet de filtrage. On se rend compte d’une part que taper dans ses mains n’est pas un instrument d’acoustique pure (on n’émet pas une simple impulsion de bruit blanc), que l’espace ne renvoie pas uniformément les fréquences qu’il reçoit & qu’il y a mil manières de taper dans ses mains. Dans l’exemple du kiosque, l’expérience se poursuit au-delà de l’écho flottant, vers une étude de la fréquence de résonance d’un espace.
Dans l’exemple suivant on assiste à une décomposition de l’effet de matité vers celui d’écho flottant : le plafond est horizontal tandis que le sol est en légère pente.
Évolution de l’écho flottant dans le portique d’entrée de la fondation Serralves à Porto
Si jusque-là les surfaces étaient relativement planes, on découvre que l’effet peut survenir également dans des espaces plus complexes, les variations fréquencielles apparaissant alors plus nettement :
Forme en trapèze :
Petit passage sous l’autoroute – Helsinki – Kontula
Ou courbes :
Évolution d’un écho dans un grand cercle en pierre – Mar bella – Barcelona
Dans une installation artistique circulaire à Venezia – biennale 2005
Petite voute débouchant sur la plage de Mar-bella à Barcelona
Dans le tunnel qui passe sous la gare – Port-Bou, Catalunya
Dans un oeuvre de Richard Serra composée de deux murs de métal en forme de « S » (Guggenheim-Bilbao)
Dans ce dernier exemple, on ne sait plus finalement si c’est l’oeuvre monumentale en métal ou l’espace muséal monumental qui produit l’effet. On entend en revanche l’ouverture d’une nouvelle dimension : l’acoustique ordinaire. Les visiteureuses du musée & de l’oeuvre ont perçu cette dimension sonore, qui n’était peut-être pas dans les idées de l’artiste ni de l’architecte. Ils & elles s’en parlent, les enfants jouent avec.
