Proposition thématique : « Écrire le terrain, écrire la recherche »

« Il existe un moment commun, dans certaines manières de faire de la sociologie ou de l’art, où les pratiques se recoupent. Dans notre réflexion consistant à re-décrire les sciences sociales et les arts non plus en tant que disciplines constituées, mais en tant qu’ensembles de pratiques à inventer, bricoler, le découpage entre arts et sciences est alors peut-être à rejouer, des frontières peuvent se déplacer. » (Howard Becker)1

Pour ces journées de rencontre entre doctorant·es des équipes CRESSON et CRENAU, nous proposons de poser la question de la relation entre l’écriture et le terrain de recherche. Nous avons toutes et tous des façons différentes d’aborder cette question du terrain, ancré en particulier dans la ou les disciplines à partir desquelles nous travaillons. Ces disciplines informent des méthodes d’enquête, des manières de définir des objets d’étude, de constituer un corpus, d’aborder le terrain. Elles informent également des façons de rendre compte de ce terrain : l’écrire, le décrire, en parler, le représenter.

À propos de la description ethnographique, l’anthropologue François Laplantine insiste sur le fait que l’activité d’écriture n’est pas une simple retranscription de ce qui a été observé mais est une production de sens : « dans la description ethnographique, c’est sans cesse la question des relations entre les mots et les choses, l’œil qui regarde et la main qui écrit, le sujet et l’objet, l’observateur et l’observé, qui est posée2 ». Selon l’anthropologue, cette activité d’écriture « n’est jamais un simple exercice de transcription ou de “décodage”, mais une activité de construction et de traduction au cours de laquelle le chercheur produit plus qu’il ne reproduit […]3 ». Il est alors question de bien décrire l’horizon d’attentes que nous entretenons envers nos terrains et de la place que nous lui faisons au sein de notre thèse.

Ce postulat intéresse bien au-delà de la seule discipline anthropologique. Nous proposons alors d’interroger la diversité de ces relations entre terrain et écriture : comment le terrain appelle des manières d’écrire particulières ? Comment un environnement d’enquête, de recherche influe-t-il sur l’écriture ? Quelles sont les relations réciproques entre postures d’enquête et formes d’écritures ?

Par ailleurs, à l’instar des journées d’étude sur les « écritures alternatives de la recherche4 » qui se déroule chaque année depuis 2022 à Nantes, cette question de l’écriture dépasse très largement la modalité textuelle et engage des travaux sur le sonore, le film, la photographie, la bande dessinée, la fiction. Les chercheuses et chercheurs s’emparent de plus en plus de ces possibilités multimédia, parfois en collaboration étroite avec des artistes. Poser la question des relations entre le terrain et l’écriture amène donc aussi à s’interroger à partir de cette multiplicité de dispositifs : comment sont transformées les relations entre terrain et écriture à partir de ces possibilités multimédiales5 ?
Enfin, ces rencontres doctorales sont aussi voulues comme un moment collectif et de partage, entre doctorant·es de différentes équipes, travaillant à partir d’objets, de méthodes et d’ancrages disciplinaires différents. Une question importante est alors celle de l’écriture en commun : comment est-ce qu’on écrit ensemble ? Quels dispositifs mettre en place et quelles formes d’écritures collectives propose-t-on ? L’un des enjeux de ces journées sera de proposer des formats d’expérimentation pour des écritures collectives.

Programme

  • Mercredi 26 février 

Enquête de terrain et écriture- Séance brainstorming : « rêver nos terrains, écrire la recherche ». Comment imagine-t-on notre terrain avant de l’avoir enquêté ? Comment nos attentes sont transformées en situation ? Comment les distinguer et les décrire au mieux ?
– Tiers-lieux et transitions alimentaires : visite du « Bar Radis ».

– Ateliers d’écriture collective à partir de la visite de terrain.

– Soirée : projection d’un film et repas partagé « Les Diggers de San Francisco », reportage d’Alice Gaillard et Céline Deransart.

  • Jeudi 27 février matin 

Débat et production finale Échanges à partir des travaux de la veille et production d’une forme finale (billet de blog).

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  • 1 https://aoc.media/produit/howard-s-becker-franck-leibovici-excercices 
  • 2 Laplantine François (1996, 2015) La description ethnographique, Armand Colin, p.37
  • 3 ibid, p.39 
  • 4 https://ecritures-alt.sciencesconf.org/
  • 5 Écouter aussi « Comment écrire les sciences sociales aujourd’hui ? », Question du soir : le débat, France Culture, 19 décembre 2024 : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-ledebat/comment-ecrire-les-sciences-sociales-aujourd-hui-2750156