Suzel Balez a donné cette conférence dans le cadre du colloque organisé par l’UMR CITERES « Saisir le rapport affectif aux lieux », au Centre Culturel International de Cerisy, en juin 2018. Ses travaux de recherche portent essentiellement sur l’appréhension olfactive des lieux et ses enjeux constructifs.

Résumé:

Aucune modalité sensorielle ne se trouve dans une situation aussi paradoxale que l’olfaction, en matière d’analyse et de conception des lieux. Malgré son importance avérée comme déclencheur d’émotion ou dans les pratiques individuelles d’odorisation contemporaines — qui témoignent de l’importance que peut revêtir ce sens au quotidien — dans les lieux, l’odorat fait partie des modalités sensibles oubliées par les concepteurs du cadre bâti. Au-delà des recensements de sources odorantes, ce sont les modalités de rencontres avec les odeurs qui fondent, selon moi, l’attachement affectif-olfactif aux lieux. À travers la vérification, à chaque rencontre renouvelée, d’une image olfactive de référence des lieux fréquentés, les usagers construisent leurs appréciations et leurs déplaisirs qui dépassent une valence hédonique intrinsèque à certaines odeurs. La puissance émotionnelle de l’odeur trouve ses racines dans l’enfance mais s’inscrit dans les répétitions de rencontre avec les odeurs pendant l’âge adulte, en tous lieux et en toutes circonstances. Ce potentiel émotionnel reste cependant hautement individuel, ce qui explique, en partie, sa très faible prise en compte par les concepteurs et les gestionnaires du cadre bâti.