Hengameh Pirhosseinloo-Amini soutiendra sa thèse de doctorat le vendredi 20 décembre à 14h à l’ENSA de Grenoble en amphi Simounet :

 

HABITER LA FAÇADE : LA CONQUÊTE D’UNE EPAISSEUR SENSIBLE

Les Dispositifs de Façade Épaisse dans les logements collectifs des écoquartiers : conception architecturale et ambiances

 

École doctorale « Sciences de l’Homme, du Politique et du Territoire » (Université de Grenoble Alpes)

thèse préparée au sein de l’équipe CRESSON de l’UMR AAU

directeur de thèse: Henry Torgue

composition du jury :

Xavier BONNAUD, Professeur HDR, ENSA de Paris la Villette, HDR, rapporteur

Grégoire CHELKOFF, Professeur HDR, ENSA de Grenoble, examinateur

Valérie LEBOIS, Maîtresse de conférence, ENSA de Strasbourg, examinatrice

Cécile REGNAULT, Professeure HDR, ENSA de Lyon, rapporteure

Henry TORGUE, chercheur émérite, UMR AAU, équipe CRESSON, directeur de thèse

Résumé de la thèse:

En 2050, selon les projections de l’OCDE , plus de 70% de la population mondiale vivra en ville. L’étalement urbain trouve ses limites dans la mesure où l’espace est un bien-ressource fini et où les distances génèrent une dépendance trop forte vis à vis de l’automobile, participant ainsi au réchauffement climatique. En réponse, les villes choisissent d’autres axes de développement, notamment en matière de logement, en augmentant la densité et en promouvant la construction de nouveaux quartiers écologiques. Cependant, l’habitat dense va à l’encontre de l’idéal encore largement partagé de la maison individuelle et il est loin de remporter l’approbation générale de la population qui y habite. Plus encore, pour les logements collectifs, surtout ceux à caractère social, la densité s’accompagne d’une image négative de l’habitat puisqu’elle entraîne une proximité qui rend difficiles les rapports d’intimité des résidents tout en imposant à tous des contraintes extérieures. L’un des enjeux majeurs de l’architecture urbaine contemporaine est donc de proposer des aménagements qui rendent plus agréable la vie partagée dans les logements collectifs des villes diminuant à terme leurs images négatives.

Dans le contexte actuel des conceptions et réalisations architecturales, la façade s’est éloignée de sa traditionnelle fonction de mur séparateur filtrant la lumière, pour se diversifier en une variété d’espaces de plus en plus complexes, gagnant de ce fait même une épaisseur modulable. Les balcons, loggias, terrasses, coursives, issues de différentes cultures, déclinent aujourd’hui de nouvelles propositions spatiales, ambiantales et comportementales.

L’hypothèse générale de cette thèse est que l’ensemble de ces espaces intermédiaires (Balcons, Loggias, Terrasses, Coursives) regroupés sous l’intitulé de dispositifs de façade épaisse (DFE) participe pleinement à la conception et au vécu du logement contemporain. Particulièrement mis en œuvre dans les quartiers durables, les DFE deviennent de plus en plus des opérateurs de conception architecturale impliquant fortement les ambiances dans leurs impacts sur les modes de vie.

Les DFE appartiennent à la famille des « espaces intermédiaires », c’est à dire des lieux caractérisant la zone transitionnelle séparant deux espaces aux degrés d’intimité différents, aménageant les liens intérieur/extérieur, permettant des porosités avec les éléments naturels, le voisinage, le contexte urbain ou le grand territoire. Par définition, les DFE agissent comme interfaces génératrices d’expériences sensorielles et sensibles.

L’analyse de trois écoquartiers (à Grenoble et à Paris) permet d’explorer la variété typologique des bâtis et leurs extensions à différentes échelles en espaces intermédiaires (balcons, loggias, terrasses, et coursives) ainsi que la diversité de leurs modes d’accès tels que les paliers ouverts ou les cheminements individualisés. Ces trois terrains illustrent les objectifs et les réalités de processus de conception visant à permettre l’appropriation des espaces extérieurs entourant l’habitation, à faciliter la projection du « chez soi » des habitants  dans leur lieu de vie concret, à bien vivre la transition entre espace privé et espace public.

La diversité des rôles attribués par les résidents aux DFE témoigne : surface supplémentaire à celle du logement, sas d’entrée dans l’espace privé, espace représentatif pour le bâti, filtre régulateur des facteurs ambiantaux, modularité de l’intimité et augmentation de la qualité de vie du logement…

Ainsi, les espaces intermédiaires gagnés dans l’épaisseur des façades des logements collectifs en zone urbaine dense peuvent offrir de véritables qualités d’appropriation et de flexibilité de par leur qualité d’ambiance. La façade épaisse redéfinit l’intimité en étendant une partie de la vie privée vers l’extérieur. Par le jeu des ambiances sonores, visuelles, lumineuses et olfactives… qu’elle réceptionne et produit, elle module les relations de proximité.

Le cœur de cette thèse est que les DFE prennent des contours sensibles spécifiques relevant à la fois des données de l’environnement et de l’espace, des dimensions perceptives et des modalités d’usages. L’ambition est donc de relier au mieux les différents aspects qui permettent de saisir ces espaces intermédiaires (DFE) comme lieux d’expérience sensible et pratique.

En conclusion, la thèse montre comment l’étude des ambiances des DFE permet de mettre à jour les enjeux transversaux et contemporains de la conception de ce type d’espaces intermédiaires. Plusieurs champs d’interrogation sont proposés aux concepteurs :

•           Un DFE dans quel contexte ?
•           Un espace à forte appropriation modulable
•           Un accès à la nature
•           Un espace de jeu pour les cinq sens
•           Un lieu intime et un lieu convivial.

Concevoir le logement et penser les ambiances des DFE à travers cette grille devient alors pour le concepteur une démarche d’élargissement et d’enrichissement de son projet d’habitation. 

Mots-clefs: Interface épaisse, Balcon, Loggia, Terrasse, Coursive, Ambiances, Appropriation, Habiter, Modularité, Ecoquartier, Techno-sensible

 

Title: INHABITING THE FAÇAGE: CONQUERING A SENSORY LAYER

Thick façade devices in collective dwellings within eco-districts: architectural design and ambiances 

Abstract :

In 2050, according to OECD projections, more than 70% of the world’s population will live in cities. Urban sprawl finds its limits considering that space is a finite resource-good, and that distances create a strong dependence to cars, playing a part in global warming. In response to that, cities choose other lines of development, especially in terms of housing, which increases density and encourages the creation of new ecological neighbourhoods. However, a dense habitat goes against the still widely shared ideal of individual housing, and it is far from being approved by the population living in it. Moreover, from the perspective of collective housing, especially social housing, density often goes together with a negative perception of the habitat, as it creates a proximity that makes intimacy difficult for residents while imposing external constraints. One of the major challenges in contemporary urban architecture is thus to propose developments that make the shared life in collective housing more pleasant, ultimately decreasing their negative image.

In the current context of architectural design and developments, the façade shifted away from its traditional function of dividing, light-filtering wall. It is now diversified in an array of increasingly complex spaces, thus growing in adjustable thickness. Balconies, loggias, terraces, corridors, all stemming from different cultures, developed nowadays new spatial, environmental and behavioural propositions.

The general hypothesis of this thesis is that the ensemble of intermediary spaces (balconies, loggias, terraces, corridors), brought together under the name “Thick façade devices” (TFD), fully takes part in the design and the experience of contemporary housing. Especially implemented in sustainable neighbourhoods, TFDs are increasingly becoming operators of architectural design that strongly involve ambiances in their impacts on lifestyles.

TFDs belong to the “intermediary spaces” family, i.e. places characterising a transition area that separates two spaces with two different degrees of intimacy, establishing connections between the inside and the outside, enabling permeability with natural elements, neighbours, the urban context or the bigger territory. By definition, TFDs work as interfaces that generate sensory and perceptible experience.

The analysis of three eco-districts (in Grenoble and Paris) allows to explore the typological variety of the built environment and its multi-scaled extensions into intermediary spaces (balconies, loggias, terraces and corridors). It also allows to study the diversity of their access modes, such as open landings or individual pathways. The three study fields illustrate the objectives and realities of the design process aiming to enable the appropriation of external spaces around the housing, to facilitate the projection of the inhabitants’ “home” in their concrete living space, to easily transition between private and public spaces.

The diversity in the roles given to the TFDs by the residents is telling: additional surface to the housing, entrance hall into the house, representative space for the building, regulating filter of the ambiance factors, modularity of intimacy and increase of the place’s quality of life.

Therefore, the intermediary spaces gained from the façade’s thickness in collective housing in dense urban areas can offer real appropriation and flexibility qualities, due to their ambiance qualities. A thick façade redefines intimacy by extending a portion of private life towards the outside world. Through sound, visual, light and olfactory ambiances that are received and produced, the façade modulates the relations of proximity.

The heart of this thesis argues that the TFDs take on a specific sensitive outline that is related to data regarding the environment and space, to perceptive dimensions and modalities of use. The ambition is thus to connect at best the different aspects allowing to grasp these intermediary spaces (TFDs) as places of practical and sensitive experience.

In conclusion, the thesis shows how the study of TFD ambiances can highlight cross-cutting and contemporary challenges regarding the design of intermediary spaces. Several questions are proposed to designers:

•           TFDs in what context?
•           A space with strong adjustable appropriation;
•           Access to nature;
•           An area to play with the five senses;
•           An intimate and convivial place.

For the architect, designing housing and considering the TFDs’ ambiances through this grid thus becomes a strategy to expand and enhance his housing project. 

Keywords: thick interface, balcony, loggia, terrace, corridor, ambiances, appropriation, inhabiting, modularity, eco-district, techno-sensitive