présentation des enregistrements

Fruit d’un stage de master d’architecture de deux mois au sein du Cresson, cette recherche a pour but d’étudier l’impact des ambiances sonores sur un lieu et ses pratiques, et ce en rendant compte de deux études de site à Grenoble.

Les enregistrements ont permis d’établir dans un second temps des sonographies, qui présentent une vue d’ensemble d’une portion localisée, temporalisée et détaillée de l’environnement sonore du site, en distinguant la tonalité (contexte environnemental) des figures (évènements sonores) selon leur nature leur nature (mécanique, humaine ou naturelle).

Présentation de la recherche : https://lcv.hypotheses.org/10305

Index

Terrain 1 :
Passage entre le quai Perrière et la rue Maurice Gignoux (Grenoble)

Descentes vers réverbération :

Passages de voitures sur le quai Perrière mêlés au son des grillons de la rue Maurice Gignoux. Le feu de cette dernière passe au vert, une voiture passe ainsi sous le passage en remplissant son volume sonore, puis s’éloigne vers la ville. On entend le vent siffler dans les câbles des réverbères. Sans passage de véhicule, le chant des grillons se fait plus présent sous la voute réverbérante. Une deuxième voiture passe, puis le feu passe au rouge, laissant ainsi la circulation reprendre sur le quai. On perçoit auditivement la descente de deux personnes en skate-board avant de les voir, et s’arrêter sous le passage. Cet évènement sonore est passé en premier et unique plan sonore par l’amplification générée par le passage, puis les paysages sonores du quai et de la rue Maurice Gignoux réapparaissent. Dernière descente, un camion. Les skateurs s’en vont, et on l’on perçoit au milieu des tonalités urbaines et naturelles se réverbérant de concert sous le passage, les sons domestiques de casseroles et de vaisselle s’échappant des fenêtres.

 

Entre vies nocturnes publiques et privées

Parcours entre le quai Perrière et la rue Maurice Gignou. Le trajet commence en longeant les nombreuses terrasses de restaurant, bondées en cette soirée d’été, et en étant soi-même longé par les passages de voitures. L’arrivée sous le passage se note à l’oreille par l’arrivée du chant des grillons, puisque la voute métallique vient mêler par réverbération les deux paysages sonores qui se côtoient tout en étant distinctement séparés de part et d’autre. Le passage est le lieu où ils se rejoignent. Le paysage sonore baisse soudainement le ton, et n’est plus que chant variable de grillons et d’oiseaux, avec un drone urbain encore perceptible, de moins en moins. En marchant dans cette rue bordée de maisons de ville, certaines dotées de jardins surélevés, on perçoit les sons domestiques émanant de leurs activités. Sons de repas, de vaisselles, de conversations. L’intimité s’exporte dans la rue par le calme relatif de celle-ci.
On fait demi-tour vers le quai Perrière, redescendant alors la rue. La rumeur urbaine réapparait progressivement.
Au loin un cri.
Passage vers le quai. Retour à une vie nocturne publique et à une autre forme d’intimité, celle-ci non plus libérée par le calme et au sentiment du chez-soi, mais par le masque du bruit.

 

Sifflements éoliens

Parcours le soir depuis le passage, où vient se réverbérer le passage des voitures, à la rue Maurice Gignoux, déserte. Le caractère venté de ce soir là fait apparaître le sifflement du vent dans les câbles des réverbères, ainsi que le frémissement des vignes vierges tapissant les murs de pierre taillée de la rue.

 

Parcours de l’urbain au paysager

Trajet court mettant au jour la transition nette qui s’opère en empruntant à pied le passage reliant le quai Perrière et la rue Maurice Gignou. On passe d’un environnement sonore éminemment urbain, bruyant et saturé, à un environnement très calme et caractérisé par des chants d’oiseaux permanent, deux tonalités sonores très caractérisées et s’opposant. Le passage est le lieu qui les réunit, projetant leurs réverbérations croisées jusqu’au seuil de la rue Maurice Gignoux, dont le calme et la matérialité permettent la diffusion sur une certaine zone. En poursuivant notre chemin, la rumeur urbaine s’évanouit pour laisser place au paysage sonore apaisé de la rue Maurice Gignoux.
« Ça fait vraiment une coupure dès qu’on passe l’arche, c’est radicalement différent. » – Pierre. (150629-002) Lundi 29 juin 2015, 18h00

 

Fluctuations routières et fluviales

Le lieu de captation est situé sur les berges d’Isère, en contrebas de la route, un escalier bâti qui vient s’évanouir dans l’eau, bordé d’un côté par les arbres et la terre sableuse du site. Viennent se mêler dans cet enregistrement la rumeur urbaine de la circulation et la rumeur du courant du fleuve, comme une somme de bruits blancs fluctuants. En premier plan apparaissent de discrètes émissions sonores, celles du clapotis de l’eau sur la berge. En fond on peut percevoir un cri se réverbérant sur la surface de l’Isère, des sons d’oiseaux. En fin d’enregistrement, le bruissement des arbres. Une moto s’arrête au feu rouge avant de repartir.

Ces marches vers l’Isère atténuent le bruit de la route au fur et à mesure que l’on les descend, et ajouté à cela, la proximité immédiate du fort courant du fleuve permet de percevoir un «bruit blanc», qui participe lui aussi à masquer le «bruit route».
La végétation est ici très développée car ancienne et en extrême bordure d’Isère, donc non affectée par les travaux de réaménagements des quais contrairement aux arbres anciennement présents le long de la promenade. L’environnement naturel est ici investi par différentes espèces animales. Impénétrable de par sa densité pour l’homme, il offre de multiples points d’amarrage et abris pour les oiseaux. Des canards et des poules d’eau ont notamment été aperçus durant la recherche.
Malgré son caractère rendu inaccessible par des barrières métalliques, certains viennent parfois s’y installer. La semaine un lieu de tranquillité le week-end un lieu qui rassemble, notamment investi par les étudiants le samedi soir.

 

Mise en évidence de la réverbération du passage

Sifflements du vent et de freins. Passages de véhicules. Trajet de deux personnes discutant, perçus au loin puis passant devant le point d’enregistrement et traversant le passage, où l’on peut alors entendre la claire réverbération, due à la voute métallique ainsi qu’aux parois de pierre. Le flux routier est rythmé par les feux rouges aux sorties du passage.

 

Terrain 2 :
ABBAYE – Place de la Commune de 1871 et alentours (Grenoble)

Courgettes, brocolis, endives, 1 euro le kilo

La place de la Commune de 1871 un mercredi matin vers 11H30, jour de marché. Au premier plan les voix des marchands qui annoncent leurs prix et discutent avec les clients. Émergent parfois le son d’un véhicule passant à proximité, celui de l’expiration d’un bus, des cris au loin. En tonalité, les oiseaux et un drone urbain. Le marché agit comme masque d’un environnement sonore sinon réduit aux passages bruyants de véhicules.
« Le week-end il y a plus de monde, c’est plus vivant on va dire. ça fait que ça couvre plus le bruit extérieur quand il y a plus de personnes, tu vois ? Ça fait qu’il y a plus de personnes, plus de marchants, plus de clients, ça fait que les bruits extérieurs on les entend moins, tu comprends ? Ils y sont, on sait qu’ils y sont, mais on porte pas attention. Ça fait que ça passe, ça passe mieux le week-end, le dimanche.» – Marchand.
Le week-end, le marché devient ainsi une enveloppe sonore qui se répand sur sa périphérie, tandis qu’en semaine ce sont les sons de la route le circonscrivant qui l’envahissent.

 

La cour intérieure, caisse de résonnance de l’environnement

Parcours, vers midi, dans l’une des cours intérieures des logements collectifs situés en périphérie EST de la place, datant de l’entre-deux-guerres et constitués de trois blocs en U, offrant un espace central approprié par les habitants (bancs publics, terrains de pétanque, jeux d’enfants). L’enregistrement est rythmé par les arrêts et reprises des pas du preneur de son, qui mettent en évidence différentes informations, comme les revêtements de sol (sable, bitume, terre), ou la présence d’arbres par les feuilles mortes écrasées. La forme urbaine en U des logements impose un certain schéma acoustique. D’une part la pénétration dans la cour des émissions de la place par l’ouverture du U, particulièrement les passages de véhicules longeant l’ouverture. D’autre part l’effet de réverbération des sons émis directement depuis la cour et de ceux s’échappant des fenêtres. Dans une interaction dedans/ dehors, la perception des sons de la cour est accrue par la volumétrie des bâtiments qui agissent comme caisse de résonnance, et de la même manière les sons émis depuis les fenêtres sont projetés à l’intérieur de la cour.
On obtient ainsi une tonalité majeure de sons d’oiseaux amplifiés mêlés d’un drone urbain, avec des figures émergeant très régulièrement (voix, sons domestiques comme bruits de vaisselles, voitures, bus, envol d’oiseaux, claquement de porte, etc…). Dans cet espace intermédiaire de la ville, les sons publics et privés échangent et se superposent.

 

La cour intérieure, lieu de mixité des sons publics et privés

Enregistrement, vers midi et quart, dans la cour intérieure de l’un des 3 bâtiments en U, inclusion de l’espace sonore de la cour dans celui du quartier, ce dernier étant fortement perceptible par la propagation des ondes sonores du quartier vers l’ouverture du U tournée vers la place. Cela génère la réverbération des sons périphériques (passage de véhicules, sirène de pompier, sonnette d’ouverture de portes coulissante, portière claquée), mais aussi du ciel (oiseaux, passage d’avion, sons domestiques venant des fenêtres ouvertes). L’espace sonore public et l’espace sonore privé se mêlent par la réverbération de leurs émissions, dans cet entre-deux commun restant au demeurant public.

 

La place comme traverse

Dès la fin du nettoyage du marché, vers 14h, la fonction de la place se mue en parking, quelques fois traversée, mais surtout stationnée. L’après-midi la place devient relativement silencieuse, et se remplit des sons l’environnant. Ceux-ci se résument aux passages réguliers du bus C5 et de voitures, et à ceux moins nombreux de vélos et de passants. Ces derniers sont dans la grande majorité des personnes âgées venus du centre de retraite non loin.
En fin d’après-midi, on croisera plutôt des adolescents revenant du lycée fermant la place au sud, qui offre la vision déserte de son arrière cours. La cloche de ce lycée ne sera d’ailleurs jamais entendue, ni durant la recherche ni par les commerçants interrogés. Quelques pigeons investissent la place de leurs roucoulements et battements d’ailes, tandis que les moineaux chantent imperturbablement jusqu’en début de soirée.

 

La place désertée

Le soir, vers 21h30, les passages de véhicules deviennent plus éparses et ne forment plus une nappe sonore continue. Les évènements sonores plus discrets deviennent alors audibles, on peut par exemple entendre le vent dans les arbres, jusqu’à quelques feuilles roulant sur le sol. Les voix se détachent de l’arrière-plan sonore. Quelques moteurs s’allument pour quitter la place, qui se vide de ses voitures puisqu’investie dès 5h du matin par les commerçants du marché. Des voitures et deux-roues longent régulièrement le site, et des groupes d’adolescents la traversent.