Dans les dernières années, plusieurs projets de théâtres « tout bois » ont défrayé la chronique de la construction : leurs concepteurs, pour des raisons variées et sous des formes très différentes, ont démontré qu’un lieu culturel peut faire l’objet d’un discours manifeste sur le réemploi en architecture, d’une rationalisation des ressources par des mises en œuvre ingénieuses, et plus généralement d’une innovation constructive via un programme aussi prestigieux que contraint. Cet usage du bois au théâtre n’est pas sans résonance dans l’histoire spécifique des lieux scéniques : liées depuis la nuit des temps à ce matériau, les salles de spectacle ont connu un usage abondant de charpentes dans la fabrication des gradins et loges, des planchers de scène, des machineries et couvertures, laissant habituellement la primauté de la maçonnerie à l’enveloppe périphérique du bâtiment. Si ces traditions se sont transformées aux 19e et 20e siècles par l’avènement de la fonte, de l’acier et du béton, et a relégué le bois à un matériau souvent jugé trop combustible et dangereux, quelques lieux semblent avoir échappé à cette implacable logique. Or un examen approfondi révèle que ce phénomène n’est guère isolé et se retrouve en abondance dans des pays comme l’Allemagne, le Japon, la Russie, la Suède, la Suisse ou les USA, connus pour leur riche culture de construction bois. En somme, il existe une potentielle histoire à part entière des théâtres « tout bois », encore méconnue. Son intérêt réside autant dans la réexploration et l’identification des projets et de leur contexte que dans l’analyse de leurs caractéristiques et la comparaison des raisons ayant conduit d’époque en époque à l’utilisation généralisée du bois pour accueillir le spectacle.