Faire patrimoine / Faire projet à la Capuche, l’Abbaye et Jean Macé
Making heritage/Making a project at L’Abbaye, La Capuche and Jean Macé, three Grenoble cities with contrasted futures.
HADBI Ryma - Thèse de doctorat soutenue en 2024
Encadrement : TIXIER Nicolas & THIBAUD Jean-Paul
Financement : Contrat doctoral, Ministère Culture
FR
Faire patrimoine / Faire projet à la Capuche, l'Abbaye et Jean Macé :
Trois cités d’habitations à bon marché grenobloises des années 1920-1935 aux devenirs contrastés
Résumé :
Notre thèse questionne ce qui fait patrimoine dans trois cités d’habitations à bon marché de Grenoble construites dans les années 1920-1935 par l’Office public de la Ville suivant les orientations de la municipalité de Paul Mistral qui souhaitait « faire entrer » Grenoble dans la modernité. Les cités de la Capuche, de l’Abbaye et Jean Macé ont été conçues comme des éléments structurants de la trame urbaine afin que la ville s’urbanise petit à petit autour d’elles durant le 20e siècle. Bien que similaires dans leur contexte de construction, elles connaissent au fil du temps des évolutions et des transformations qui leur valent des destins différents : la Capuche a été rénovée pour la dernière fois dans les années 1980, Jean Macé a été démolie et reconstruite en 2008, et la cité de l’Abbaye attend d’être réhabilitée depuis 2017 suite à plusieurs années de débats houleux sur son devenir. Ces trois cités sont aujourd’hui des éléments urbains hérités d’une époque remarquable de l’histoire urbaine de Grenoble. Cent ans plus tard, la ville se retrouve de nouveau confrontée à la nécessité de se renouveler sur ces fragments de territoire parfois vieillissants et désuets. De notre point de vue, ces cités HBM ordinaires et discrètes, où la question patrimoniale ne va pas de soi, pourraient s’avérer être des ressources substantielles avec lesquelles la ville de Grenoble peut se réinventer en s’appuyant sur leurs qualités matérielles, sociales et sensibles.
Pour cela, notre thèse défend l’idée que ce qui fait patrimoine dans ces cités s’apparente un processus dynamique et évolutif qui articule conjointement trois valeurs patrimoniales : une valeur historique, une valeur d’usage et une valeur de renouvellement. Se saisir du patrimoine en postulant qu’il intègre des mutations, des reconductions mais aussi des disparitions et des renouveaux nous permet de décaler la représentation de ce qui fait patrimoine des objets vers les hommes et leur vécu. Ainsi, nous donnons une reconnaissance à des éléments qui d’habitude s’expriment en privé, sur le mode de l’infraordinaire. Dès lors, nous prêtons attention à ce qui compte véritablement pour les habitants de ces lieux plutôt qu’à ce que l’on pourrait garder comme patrimoine bâti. Nous considérons que c’est dans la parole habitante, empreinte d’attachements et d’affects, que s’expriment et s’articulent le mieux ces trois valeurs patrimoniales. En mettant au cœur du processus l’expérience vécue de l’habitant, nous parvenons à faire émerger un récit puissant qui révèle ce qui fait patrimoine à la Capuche, l’Abbaye et Jean Macé pour nourrir tout renouvellement du lieu.
Notre thèse aspire à proposer une démarche d’études à même de penser les mutations de ces lieux dans une relation directe avec leurs habitants en recueillant les récits les plus quotidiens et familiers, les histoires locales, les significations affectives, les pratiques et les usages. Nous pourrions ainsi saisir dans sa complexité la réalité urbaine des lieux, les imaginaires et les modes d’habiter de chacune de ces cités. La démarche méthodologique mise en œuvre conjugue trois méthodes qualitatives principales qui sont l’inventaire, la méthode des itinéraires et la reconduction photographique. Tandis que la démarche analytique permet d’articuler éléments de patrimoine et éléments de projet. Faire patrimoine n’a pas vocation à figer un lieu dans un état et le destituer de sa valeur socio-symbolique au nom d’une mémoire passée et révolue. Bien au contraire, il vise à être une véritable ressource pour le projet urbain en permettant la reconnaissance d’éléments perçus comme bien commun à transmettre, comme qualités essentielles et inhérentes aux lieux et à leurs habitants ; tout en donnant les possibilités de réinventer de nouvelles situations urbaines et sociales.
Mots clés :
Faire patrimoine, attachement au lieu, méthode des itinéraires, inventaire, reconduction photographique, récit de vie, récit du lieu, ambiance, imaginaire social, typologie figurative, faire projet, habitations à bon marché
EN
Making heritage/Making a project at L’Abbaye, La Capuche and Jean Macé, three Grenoble cities with contrasted futures.
Summary:
Our research questions what makes heritage in three neighborhoods of low-rent housing in Grenoble, built between 1920 and 1935 by the Office public of the city, in accordance with the ambition of Paul Mistral’s municipality which wished to « bring » Grenoble into the modern world. The council estates of La Capuche, L’Abbaye and Jean Macé were conceived by their architects as key elements in the urban structure, helping the city to gradually grow around them over the course of the 20th century. While similar in the context of their construction, their evolution and transformation over time have led to different destinies: La Capuche was renovated for the last time in the 1980s, Jean Macé was demolished and rebuilt in 2008, and L’Abbaye has waited to be rehabilitated since 2017, following several years of intense debate about its future. Today, these three council estates are urban elements inherited from a remarkable period in Grenoble’s urban history. One hundred years on, the city once again confronts the need to renew itself, particularly on these fragments of territory which are sometimes obsolete and aged. From our point of view, these ordinary and discreet council estates, where the question of heritage is not taken for granted, could be substantial resources with which the city of Grenoble could reinvent themselves by taking advantage of their material, social and sensitive qualities.
To this end, our thesis defends the idea that what makes heritage in these council estates is a dynamic and evolving process that jointly articulates three heritage values: historical value, use value and renewal value. If we approach heritage from the perspective that it incorporates mutations and renewals, as well as disappearances and revivals, we can shift the representation of heritage from objects to people and their experience. In this way, we give recognition to elements which are usually expressed privately in the mode of the infraordinary. In this way, we would be looking at what really matters to the people who live there, rather than what could be preserved as built heritage. We believe that these three heritage values are best expressed and articulated in the inhabitants’ stories, which are full of attachments and emotions. By putting the inhabitant’s experience at the heart of the process, we are able to bring out a powerful narrative that reveals what makes heritage in La Capuche, L’Abbaye and Jean Macé to nourish any urban renewal project.
The thesis aims to propose a research approach able to consider the mutations of these places in direct relation with their inhabitants, by collecting the everyday and familiar stories, affective meanings, local histories, practices and uses. This will allow us to gain an indepth understanding of the urban reality, the imaginary worlds and the ways of living in each of these neighborhoods. To this end, the methodological approach used combines three qualitative methods: inventory, itineraries method, and photographic reconduction. While the analytical approach allows us to articulate elements of heritage and elements of project. To make heritage is not intended to freeze a place in a static state that evacuates and removes its socio-symbolic value, simply to keep alive a past and vanished memory. On the contrary, it intends to be a genuine resource for the urban project enabling the recognition of elements perceived as a common good to be passed on, as essential qualities inherent to places and their inhabitants; while at the same time providing opportunities to reinvent new urban and social situations.
Keywords:
Making heritage, place attachment, itineraries method, inventory, photographic reconduction, life story, story of place, ambiance,, social imaginary, figurative typology, making project, council estates
Doctoral thesis started in 2018