FR

Deux « évènements » marquèrent la France durant les années 1960 : les indépendances, dont la guerre d’Algérie fut l’ultime funèbre étendard, et la révolte ouvrière et étudiante de Mai 68. Liés d’une manière complexe et peut-être paradoxale, ils firent naître dans les décennies qui suivirent une mouvance « tiers-mondophile » – plus qu’un mouvement tiers-mondiste – au sein de la discipline architecturale. Si le voyage et la découverte de l’Ailleurs étaient déjà d’usage au XIXème siècle dans la formation des architectes, l’intérêt pour les pays non-occidentaux participa au renouveau de la discipline française qui se trouvait alors en crise, autant en raison de la fascination qu’inspiraient leurs architectures passées qu’au travers des questions que posait leur développement futur. Durant près de trois décennies, différents groupes d’enseignants consacrèrent leurs activités pédagogiques et scientifiques à cette aire géographique aux limites aussi vastes que floues, développant divers théories, méthodes et outils, au regard de la multiplicité des positions idéologiques et politiques de ceux-ci. Cette thèse propose de dresser tant une cartographie de cette mouvance, comprise dans son ensemble, que le portrait de ces enseignements, en révélant la singularité de chacun, afin de montrer qu’ils doublèrent le décentrement géographique amorcé au siècle précédent par un décentrement épistémologique, dont les Écoles nationales supérieures d’architecture demeurent de nos jours les héritières. De la genèse de ces enseignements au cours des années 1960-1970 et de leur relation organique avec la politique de Coopération, il en fut issu des théories développées au sein des UP (aujourd’hui ENSA) ainsi qu’un rapport complexe à la notion d’altérité. Mais tandis que le tournant des années 1980-1990 coïncida avec un bref âge d’or, il fut suivi d’un déclin de l’intérêt pour ces pays. Avec cette séquence chronologique, c’est aussi la question de l’ambiguïté de l’ethnocentrisme et de l’hégémonisme que nous avons voulu explorer au fil de ces enseignements et du décentrement épistémologique qu’ils initièrent.

EN

The fantasy of the exotic and the foreign has always invited humans to travel. In architecture, while the Beaux-Arts School was fascinated by Ancient Rome and Greece, a new aspiration emerged in the middle of the 20th century for the so-called “traditional” architecture of countries beyond the western world. After the end of architectural education at the Beaux-Arts, at a time when the architectural field needed to rebuild, both theoretically and in its training method, the hypothesis of finding answers to the post-modernism question beyond the West is formulated.

While the decolonisation movements generated new relations between the North and the South, lessons dedicated to “developing countries” – or the “Third World” – appeared in several educational units in architecture. Nowadays, these lessons remain little known. However, they questioned both the relationships between France and the new nation-states and their participation in the pedagogical renewal and practice of the architectural field.

Therefore, the study of these lessons does not deal only with the history of architectural education, but it also enables the understanding of the current interest of French architects for countries that are beyond the west. This interest – an echo or the continuation of the lessons from our corpus – questions issues that are close from the ones raised between the 1970s and the 1990s, with surely more accuracy in terms of the globalised world in which we live.