Dans le champ de l’architecture, il est difficile de trouver une publication s’attachant aux pouponnières sociales. Hôpital des enfants, hospice, orphelinat, foyer, centre départemental de l’enfance et de la famille, pouponnière... La structuration de la protection de l’enfance en France a pourtant créé un grand nombre de lieux et de bâtiments, sur lesquels aucune analyse croisant questions spatiales et questions sociales n’a encore été engagée. Les enjeux relèvent ainsi du patrimoine[1] comme de la culture de la conception, de l’histoire comme de la fabrique architecturale contemporaine, de la dimension sensible des lieux comme de leurs ambiances. En effet, de nombreux projets de pouponnières se construisent actuellement en France, révélant d’une part une sensibilité et un intérêt renouvelé des pouvoirs publics et du monde social pour ces questions et d’autre part une attention accrue aux dimensions matérielles et symboliques de la prise en charge de ces enfants placés.

Le partenariat avec le programme de santé publique PEGASE[2] offre un cadre propice à ce travail doctoral sur ces lieux méconnus où vivent des enfants âgés de 0 à 3 ans en situation de vulnérabilité. Réalisé par un étudiant formé à la sociologie, au sein d’un laboratoire d’une école d’architecture, ce travail doctoral a pour objectif de produire des connaissances sur le rôle de l’espace dans la protection de l’enfance par les prismes de l’action publique, des espaces d’accueil et d’hébergement, et du travail et des relations professionnelles, d’accompagnement et de soin. Ces trois axes de recherche ont été conçus pour mettre à profit regard sociologique et analyse spatiale, posture critique des théories de la prise en charge de l’enfant et démarche compréhensive dans les lieux et auprès des acteurs, adultes comme jeunes enfants. Ils permettent de croiser les échelles des politiques publiques, de l’organisation institutionnelle locale et du travail en train de se faire, et celle du corps et des agissements des bébés accueillis. En posant un regard inédit sur les pouponnières, cette recherche vise aussi la production de connaissances utilisables par les décideurs, les porteurs de projets et tous les acteurs de terrain impliqués dans les politiques de protection de l’enfance et dans la fabrique des espaces concernés.

[1] La pouponnière d’Antony a ainsi été détruite en 2000. Le documentaire Troisième printemps d’Arnaud Mezamat, tourné en 1999, témoigne de ce lieu et des pratiques de soin avant la destruction.

[2] Ce programme de santé publique expérimentale d’envergure nationale se poursuit sur 5 ans (2019-2024) et est financé par l’Assurance maladie à hauteur de 8,5 millions d’euros. Mis en œuvre auprès de 2500 enfants bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance, il a pour objectif un suivi standardisé et des soins psychiques précoces visant à prévenir les séquelles à long terme des maltraitances infantiles chez les très jeunes enfants protégés. https://www.programmepegase.fr/