Concevoir à l’état brut, la fonction tactile et les matières premières pour contextualiser l’architecture.
Raw design: tactile function and primary matter to contextualize architecture
Nuria Alvarez - Thèse de doctorat soutenue en 2024
Encadrement : Directeur de thèse Grégoire Chelkoff
Financement : Contrat doctoral du ministère de la Culture
FR
Mots-clefs : Toucher, ambiances, matières premières, recherche-création, fonction tactile, texture
Résumé : Héritier d’une culture marquée par le dualisme moderne, l’homme semble se retrouver, depuis le développement de l’industrialisation et l’exploitation des ressources, en quelque sorte abstrait de son milieu. Par extension, un grand nombre des créations humaines aujourd’hui est considéré par certains auteurs, comme déraciné. Les architectures vernaculaires refléteraient comme un miroir le territoire où elles s’inscrivent. Construit avec les matières disponibles et à portée de main, le bâti est décrit comme un prolongement de la nature, de ses couleurs, de sa matière, de ses formes, de ses textures… Aujourd’hui, les tenants de l’architecture revendiquée comme plus contextuelle renouent en partie avec cette idée. Ainsi, chez Peter Zumthor ou Wang Shu, cette recherche d’une certaine « harmonie » ou concordance entre le paysage et le bâtiment est enracinée dans la matière et les matériaux en relançant une appréhension plus tactile de ses surfaces.
C’est ce que nous interrogeons intéresse à la fois la matière de l’architecture et le rôle d’une appréhension tactile de nos milieux. Ainsi, en contrepoint d’une tendance à l’abstraction évoquée, l’utilisation des matières premières et la mise en avant d’un rapport tactile et plus direct au monde peuvent-ils être des alliés pour créer des espaces architecturaux qui réaffirment une meilleure liaison au corps et réamorcer un génie des lieux ?
Concevoir un ouvrage bâti implique des espaces appelant des perceptions et sensations corporelles. Même s’il s’agit d’un constat qui peut sembler évident, les dispositifs qui parlent au corps et à la sensibilité sont à interroger dans l’habitat et les espaces publics ordinaires. C’est ici que l’étude des ambiances peut être un axe scientifique de réflexion en ce qu’elle prend en compte le corps humain et son interaction avec l’espace et la société. Dans notre culture occidentale, la préoccupation première de la conception est ce que l’on donne à voir. En contraposition, la mise en avant de la perception tactile peut aujourd’hui ouvrir des nouveaux horizons fermés par la hiérarchie de la vue. « La mère de tous les sens », le toucher est le sens qui permet une approche corporelle de l’espace et qui est directement liée à la sensibilité.
Pour conclure, nous nous retrouvons en face de concepts encore peu maîtrisés par la science : le questionnement des émotions dans les espaces architecturaux conçus avec une matière « première ». En continuité avec mon parcours académique et professionnel, cette recherche interrogera les spécificités des ambiances dans l’état brut à travers une pratique artistique interpellant prioritairement les dimensions tactiles des modes d’appréhension.
EN
Keywords : Touch, atmosphere, raw matter, research-creation, tactile function, texture
Abstract :
Heir to a culture marked by modern dualism, man seems to find himself, since the development of industrialization and the exploitation of resources, somehow abstract from his environment. By extension, a large number of human creations today is considered by some authors as uprooted. Vernacular architectures reflect as a mirror the territory where they are inscribed. Built with raw and local materials, these constructions appear as an extension of nature, its colours, its material, its forms, its textures … Today, the proponents of architecture claimed as more contextual partly revive with this idea. For Peter Zumthor or Wang Shu, this research for a certain « harmony » or concordance between the landscape and their architecture is rooted in the material and materials by raising a more tactile apprehension of its surfaces.
This is what we are interested in both the subject of architecture and the role of a tactile apprehension of our environments. As a counterpoint to a trend towards abstraction, could the use of raw materials and the promotion of a touch and a more direct relationship to the world be allies to create architectural spaces that reaffirm a better link to the body and reboot a genius of the site?
Designing a building involves spaces that call for perceptions and bodily sensations. Although this may seem obvious, dispositive that speak to the body and sensitivity have to be interrogated in the ordinary habitat and public spaces. It is in this context that the study of atmospheres can be a scientific axis of reflection taking into account the human body and its interaction with space and society. In our Western culture, what we give to seen is the primary concern. In contrast, the emphasis on tactile perception can open up new horizons closed by the hierarchy of sight. « The mother of all the senses », touch, is the meaning that allows a bodily approach to space and is directly related to sensitivity.
To conclude, we find ourselves in front of concepts still little mastered by science: the questioning of emotions in architectural spaces designed with a «rawer» matter. In continuity with my academic and professional career, this research will question the specificities of atmospheres in the raw state through an artistic practice involving primarily the tactile dimensions of the modes of apprehension.