Le travail ici présenté tente d'analyser et de restituer les conditions d'ambiance du monastère cistercien à l'origine. Edifiées presque partout en Europe dès le XIIè siècle, les abbayes cisterciennes constituent un champ d'observation foisonnant et privilégié de l'architecture, leur dispersion géographique est remarquable alors qu'on observe une relative unité formelle des corps de bâtiments. Par ailleurs, depuis le Mouvement Moderne et encore aujourd'hui, l'existence ( une prétendue ?) d'une manière cistercienne de traiter l'espace est reconnue et valorisée ; l'émotion architecturale que suscitent quelques unes des abbayes lorsqu'on les visite renforce cette idée et élève au rang de modèle ce qui semble être une conception typiquement cistercienne de l'espace. En premier lieu, une analyse des raisons de ce statut référentiel s'impose, en considérant la dimension sacrée du monastère et les spécificités du mode de vie des moines exprimées dans la période des premières fondations : austérité, nudité des formes architecturales, simplicité et pragmatisme ; ce que nous pourrions appeler l'empreinte de l'ascèse. Cette analyse nous conduit à rechercher dans l'observation de deux corpus distincts, les qualités sensibles qu'ont peut être éprouvées les occupants de ces espaces.

Le premier corpus est un ensemble de textes contemporains de la période étudiée, le XIIè siècle. Ces textes sont susceptibles d'énoncer une représentation des ambiances, fondée sur l'expérience sensible de l'espace. Une analyse statistique et linguistique des termes autour de la perception sensorielle est donc proposée. Cependant le style allégorique et spirituel d'une partie des textes ne donne pas un accès immédiat à l'énoncé d'une réalité sensible. Dans ce cas, nous avançons l'hypothèse que le figuré véhicule quand même une information sur le littéral, et qu'on peut tenter de l'atteindre en rebroussant le chemin de la construction du sens des énoncés. Ceci fait l'objet d'une démarche exploratoire prenant appui sur une analyse interprétative d'une partie du corpus.

Le deuxième corpus regroupe un petit ensemble d'une dizaine d'abbayes qui se veut représentatif des diversités typologiques et contextuelles de la période étudiée: filiations cisterciennes, formes des édifices, orientation sur le site, paramètres climatiques, etc. La constitution même de ce corpus suffit, dans le cadre de notre étude, à jeter les bases d'une analyse multi-critères des facteurs d'ambiance. Le croisement des ressources issues des deux corpus nous autorisent à rechercher les dimensions sensibles sur un dispositif architectural du monastère; l'étude s'achève avec une application de méthodes de simulations numériques à ce dispositif, visant à objectiver ses capacités en tant qu'espace liturgique. (résumé d'auteur).

Au sommaire :

  1. Espace cistercien et architecture.
  2. Conditions d'émergence de l'architecture cistercienne.
  3. Le sensible et le corps dans les textes.
  4. Le sensible et le corps dans les murs.
  5. Application de méthodes de simulations aux stalles de choeur.