« Vers une visualisation située d’une cartographie sensible des villes »

Qualification par apprentissage automatique de la perception de l’espace urbain par un piéton en situation pour un affichage de compléments d’information en Réalité Augmentée.

Enjeux, difficultés et objectifs

La prise de connaissance d’information contextuelle en situation de mobilité urbaine est un enjeu qui se décline selon la temporalité et la finalité de l’action de l’utilisateur sur la ville :

  • 1/ en amont, eg. la conception de villes durables et résilientes,
  • 2/ en situation, eg. la gestion de crise sanitaire,
  • 3/ en aval, eg. l’analyse de phénomène climatique.

Cependant l’accès à cette information située reste difficile du fait de la mobilité de l’usager qui est au mieux muni d’équipement léger (terminaux mobiles la plupart du temps) et de la mise en relation entre l’information fournie, souvent conjointement de données spatiales et temporelles, et le contexte immédiat, qui est source de nombreuses perturbations attentionnelles (avertisseurs sonores ou lumineux très ponctuels, par exemple).

Il est donc nécessaire d’assurer un accès direct et en situation à cette information en exploitant
au mieux les éléments du contexte.

  • Quantification de la perception des villes

En réaction aux descriptions cartographiques traditionnelles – où l’espace est perçu et restitué graphiquement dans sa globalité et en surplomb – de nombreuses initiatives notamment en cartographie sensible ont vu le jour qui visent à restituer une expérience immergée des territoires (Olmedo 2011). Les Urban design qualities telles que proposées par (Ewing et al. 2009, Ewing et al. 2016, Clemente et al. 2005) participent de ce mouvement qui vise à dépasser les seules Dvariables (“design, density, diversity, destination accessibility, and distance to transit”, extrait de (Yin 2017)) synthétiques pour “mesurer le non mesurable” (Ewing et al. 2009) et quantifier la perception des qualités urbaines de la ville vécue par les experts de l’urbanisme comme par les piétons, assimilés à des experts de “l’expérience ordinaire” (Thibaud 2010).

Cette tentative d’objectivation des caractéristiques fines (à “micro-échelle”) du paysage de la rue susceptibles de conditionner l’expérience des piétons sous forme d’Urban design quality a été traduite en indicateurs (“imageability”, “enclosure”, “human scale”, “transparency” et “complexity”) et modélisée et simulée dans le contexte de la géomatique (Yin 2017).

  • Des Réseaux de Neurones pour identifier les qualités urbaines

D’autres travaux ont cherché, par l’utilisation de réseaux de neurones artificiels, à identifier et mesurer ces qualités sur un large corpus d’images de vues piétonnes (Ye et al. 2019). Des réseaux de neurones convolutifs (CNN) peuvent aussi servir à calculer des cartes de saillances urbaines (Huang et al. 2019).

  • La Réalité augmentée comme outil de médiation adaptée aux environnements urbains

Or, comme le relève (Thomas et al. 2018), les usages potentiels des indicateurs de qualité de conception urbaine sont d’un grand intérêt lorsqu’on les présente, sur site, à des professionnels en utilisant l’approche de l’analyse située et plus particulièrement lorsque celle-ci est immersive en Réalité Augmentée (RA) (Whitlock et al. 2020).

Les systèmes et les algorithmes de Réalité Augmentée (RA) ont évolué et permettent désormais à (Grubert et al. 2017) de présenter le concept de RA généralisée (Pervasive Augmented Reality, PAR) où le système s’adapte constamment au contexte de l’utilisateur afin de permettre une utilisation prolongée à travers plusieurs tâches poursuivant des buts différents. Sans aller jusqu’à des systèmes de RA généralisés, la RA mobile permet déjà la géovisualisation sur site d’information spatialisée (Devaux et al. 2018).

Afficher des informations situées “augmente” pour l’utilisateur la perception de l’environnement immédiat en relation avec sa tâche courante (Kjeldskov et al. 2013), l’information affichée devant être adaptée à l’environnement et au comportement de l’utilisateur pour ne pas gêner sa marche en ville (Lages et al. 2019).

Hypothèses, apports de cette recherche et plan de travail

Nous remarquons que ces “qualités” urbaines qu’elles soient extraites d’images réelles ou dérivées de simulation en maquette numérique ne sont pas comparées ni combinées pour l’instant. Cette comparaison va constituer un des premiers apports de ce travail. Elle sera enrichie d’une longue lignée de travaux spécifiques développés au sein du laboratoire AAU, relatifs aux indicateurs urbains sensibles et plus particulièrement à la couleur des façades (Petit 2015), à l’aéraulique urbaine (Belgacem 2019), aux zones géoclimatiques et la vulnérabilité aux surchauffes urbaines (Rodler & Leduc 2019).

Les cartes de saillances urbaines, combinées à l’analyse de la perception sur site en déplacement, permettront d’identifier des zones de saillance où afficher des informations pertinentes en déplacement pour le piéton.

Dans ce travail nous nous intéresserons, à partir du positionnement sur site du piéton, à ce que ce dernier perçoit dans son environnement en liant les informations extraites des images perçues aux indicateurs calculés par simulation en environnements virtuels issus de maquettes 3D simplifiées de la ville, à l’aide de réseaux de neurones pour mettre en perspective information “perçue” par un réseau sur une image et information calculée sur une carte 3D de la même zone en temps réel ou à partir d’information pré-calculées. Ces réseaux, pour traduire les perceptions piétonnes de l’espace urbain, seront entrainés de deux manières, à l’aide d’interactions avec des professionnels de l’urbanisme mais aussi à l’aide d’interaction avec les “experts” d’un lieu, à savoir les habitants. Cette perception numérique, calculée de la ville va nous donner accès aux zones “importantes” qu’il importe de mettre en relief dans le paysage du piéton et celles qui peuvent être masquées. Ces deux recueils d’expertises complémentaires vont permettre la mise en tension et le partage de ces deux points de vue qui sera un autre enjeu majeur de ce travail.

Le positionnement d’éléments caractéristiques dans la ville (comme des objets du mobilier urbain) est assimilable à la distribution spatiale d’un ensemble de « marqueurs » permettant la localisation indépendamment d’autres infrastructures lorsqu’ils sont reconnus (Antigny et al. 2018). La ville peut devenir à la fois l’interface et la zone de projection. Ces travaux à travers les échelles, le choix des données à afficher et les types de représentation vont permettre via une médiation avec des données urbaines grâce à une localisation sur site un échange de points de vue situés entre professionnels et habitants.

Pour résumer, la ville vue par le piéton devient une interface de médiation entre un calcul de « qualités urbaines » reflétant une perception et une visualisation de ces mêmes informations ou d’autres informations localisées en utilisant la RA comme médiation avec ces données. Cela nous ouvre à de nouveaux usages d’une telle interface à étudier à la fois pour le grand public et les professionnels pour aller vers une co-construction de l’espace urbain.

Ce travail sera co-supervisé par Myriam Servières (directrice de thèse), Thomas Leduc et Vincent Tourre

Allocation de recherche MESRI (100 %) (pas encore obtenue, en cours d’étude.)

Ecole doctorale SPI (sciences pour l’ingénieur).

Candidater

Deadline pour les réponses des candidats : 24 avril 2020.

Télécharger le sujet en PDF